Il y a 10 ans, la petite communauté de la ville de Malartic, en Abitibi, était divisée par le projet de la société Osisko, qui voulait exploiter une mine d’or à ciel ouvert en plein centre-ville. Aujourd’hui, la mine Canadian Malartic est exploitée 24 heures par jour, 7 jours par semaine, avec l’adhésion de 92 % de la population qui a entériné le guide de cohabitation élaboré de concert avec la minière et la municipalité.

Dans la plaine abitibienne, une immense et longue montagne de pierres concassées apparaît soudainement au détour d’un virage. Impossible de rater Malartic lorsqu’on arrive de Val-d’Or par la route 117. La mine Canadian Malartic nous signale de façon spectaculaire qu’on est bien arrivé en ville.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Depuis l’adoption du guide de cohabitation, les citoyens de Malartic obtiennent chaque année une compensation financière pour les inconvénients qu’ils subissent pour la poussière, le bruit et les dynamitages en fonction de la proximité de leur résidence par rapport aux activités de la mine.

En juillet 2009, le Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE) donnait son feu vert au projet de la minière Osisko pour l’exploitation d’une mine d’or à ciel ouvert au centre-ville de Malartic, sur les vestiges de la mine souterraine East-Malartic, qui avait cessé ses activités dans les années 80.

Le projet d’Osisko était ambitieux : creuser la plus grosse mine à ciel ouvert au Canada, qui est devenue depuis le plus gros producteur d’or au pays, avec une production annuelle de 700 000 onces en 2018.

Projet ambitieux et controversé. Le gisement visé par Osisko nécessitait le déménagement de près de 200 résidences et les travaux d’exploitation allaient nécessairement générer des inconvénients importants pour les résidants.

Rapidement, un mouvement d’opposition s’est organisé avec la création d’un comité de mobilisation de citoyens qui ne voulaient pas subir les préjudices de l’implantation d’une activité industrielle majeure dans leur environnement de vie immédiat.

Osisko a toutefois réussi son pari et entrepris le déménagement des résidants et la construction d’un nouveau quartier, dont une nouvelle école et une résidence pour personnes âgées. Puis, en 2011, la production d’or a officiellement débuté, suscitant une nouvelle vague de mécontentement.

Une cohabitation difficile

« Ça ne s’est pas bien fait. Il y avait de la poussière, du bruit et des nuages orange à la suite des dynamitages. Et, surtout, on était toujours pris dans les travaux avec l’entrée et la sortie des travailleurs et des sous-traitants. »

« C’était un va-et-vient constant à toute heure du jour dans une petite ville jusque-là tranquille. Cela a changé la dynamique. Ceux qui s’opposaient à Osisko étaient perçus et désignés comme des chialeux », se rappelle Julie Charlebois.

Mme Charlebois travaille toujours à Malartic, où elle s’occupe du service de transports adaptés de la municipalité. Mais dès que ses quatre enfants ont terminé leur secondaire, la famille a déménagé à Rivière-Héva, à une quinzaine de kilomètres du brouhaha de la ville.

Guy Morrissette était lui aussi opposé à la construction de la mine à ciel ouvert lorsqu’il était échevin de la municipalité, mais il était minoritaire alors qu’une majorité d’élus étaient davantage convaincus des avantages économiques que la Canadian Malartic allait générer.

J’étais contre le projet. Beaucoup voyaient Osisko comme les sauveurs de la ville, pas moi. En 2013, j’ai formé un comité de citoyens qui s’opposait à l’extension des activités de la mine qui voulait creuser un deuxième trou à l’entrée de la ville.

Guy Morrissette

« J’ai eu des problèmes de santé et j’ai été moins actif par la suite, mais je fais quand même partie du comité de citoyens qui a intenté une action collective pour obtenir davantage de dédommagements de la ville », précise Guy Morrissette.

Une acceptabilité plus large

Vraisemblablement, c’est la résurrection d’une ville économiquement dévitalisée qui a permis une plus grande acceptation sociale de la cohabitation avec la mine Canadian Malartic.

Martin Ferron, le maire actuel de Malartic, était conseiller municipal à l’époque et il est à même d’apprécier aujourd’hui les retombées économiques que l’exploitation de la mine a générées et continue de générer.

« Malartic était en train de péricliter. Il n’y avait plus d’activité minière depuis la fin des années 90. Domtar a fermé sa scierie en 2005. Au début des années 90, on était 5000 résidants et c’est tombé à 3000 en 2009. »

Nos infrastructures municipales périclitaient parce qu’on n’avait plus de revenus fiscaux. L’arrivée de la mine a permis d’augmenter de 25 % nos revenus et on a pu mettre en branle un programme de modernisation qui est maintenant complété à 80 %.

Martin Ferron

La vente de la mine Canadian Malartic à Agnico Eagle et à Yamana Gold, en 2014, a contribué, selon le maire, à rehausser de façon marquée l’accessibilité sociale de son omniprésence industrielle dans la ville.

« Depuis 2015, la mine Canadian Malartic a multiplié les initiatives pour atténuer les effets négatifs de sa présence. On a signé en 2016 un guide de cohabitation avec les citoyens, la mine et la municipalité qui a reçu l’appui de 92 % de la population », expose le maire Ferron.

Compensations à tous les résidants

Depuis l’adoption du guide de cohabitation, les citoyens de Malartic obtiennent chaque année une compensation financière pour les inconvénients qu’ils subissent pour la poussière, le bruit et les dynamitages en fonction de la proximité de leur résidence par rapport aux activités de la mine.

Dans la zone la plus proche de la mine, chaque résidence obtient un dédommagement de 1000 $ et 900 $ additionnels par personne qui y habite.

« Depuis trois ans, on n’a jamais dépassé les normes permises d’émissions de poussières. La norme est de 120 mg par mètre cube et notre moyenne est de 22 mg par mètre cube. On assure le monitorage des décibels produits grâce à des micros installés en ville. »

« Dès qu’on excède la norme, on réduit l’activité des camions. On peut même les stopper complètement lorsque le son voyage trop. Mais on accepte de donner un montant pour dédommager les gens parce que l’on sait que l’on crée des inconvénients », explique Serge Blais, directeur général de Mine Canadian Malartic.

Un comité de citoyens a cependant entrepris une action collective en vue d’obtenir 9000 $ de dédommagement de MCM, plutôt que les 1000 $ qui sont actuellement payés.

Une opération gigantesque

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Plus de 750 personnes sont employées par Mine Canadian Malartic, en plus des 1100 employés de sous-traitants qui travaillent quotidiennement à la mine. Plus de 400 résidants de Malartic travaillent directement pour la mine ou pour un fournisseur.

L’exploitation de la plus grande mine à ciel ouvert au Canada que réalise Mine Canadian Malartic est à la mesure de sa superficie. Il s’agit d’une opération gigantesque qui se poursuit 24 heures par jour tous les jours de l’année, avec, pour seule pause, quatre jours par trimestre où tout est arrêté pour que l’on puisse réparer les équipements éreintés par ce rythme de production d’enfer.

Plus de 750 personnes sont employées par Mine Canadian Malartic, en plus des 1100 employés de sous-traitants qui travaillent quotidiennement à la mine. Plus de 400 résidants de Malartic travaillent directement pour la mine ou pour un fournisseur.

Chaque jour, on extrait 55 000 tonnes de minerai, qui est placé sur un convoyeur pour être ensuite concassé et traité afin que l’on puisse y prélever 1 gramme d’or par tonne extraite. On parle ici de microparticules d’or de l’ordre du milliardième…

Le trou de la fosse Canadian Malartic fait plus de trois kilomètres de long et 400 mètres de profond, sur une largeur qui varie de 1 à 1,5 kilomètre. Tout le minerai stérile qui a été traité est transporté autour de la mine sur une montagne qui fait plus de 80 mètres de haut.

On retrouve plus d’une centaine d’équipements hors norme comme ces 34 camions de 240 tonnes qui valent 5 millions de dollars l’unité.

À toute heure du jour et de la nuit, ces bennes géantes vont récolter le minerai pour le transporter vers le convoyeur et réacheminer par la suite les résidus vers la halde à stériles.

PHOTO FOURNIE PAR CANADIAN MALARTIC

Serge Blais, PDG de Mine Canadian Malartic

« On fait un arrêt complet des opérations durant quatre jours chaque trimestre. Tous les employés de la mine quittent leur poste et une armée de 1100 contractuels spécialistes vient réparer nos équipements », explique Serge Blais, directeur général de Mine Canadian Malartic.

« On remplace des sections des convoyeurs. On réoutille le concasseur parce qu’il faut changer les pièces de métal usées. On repart à neuf pour trois autres mois », poursuit M. Blais.

Durée de vie prolongée

Lorsqu’Osisko a lancé le projet de la mine Malartic, les réserves d’or estimées étaient de 8,4 millions d’onces. On prévoyait exploiter le site durant 10 ans.

On a toutefois décidé de réaliser une extension de la mine en creusant un nouveau trou dans la fosse Barnat, à l’est de la fosse Canadian Malartic.

Avec l’extension, il nous reste des réserves de 6 millions d’onces d’or que l’on pourra extraire jusqu’en 2027.

Serge Blais

C’est la raison pour laquelle la minière a entrepris de modifier le tracé de la route 117 sur un tronçon de trois kilomètres à l’entrée de la ville. On réalisera une boucle qui rejoindra l’artère commerciale.

Mine Canadian Malartic investit 65 millions dans ce changement de parcours de la route principale de l’Abitibi.

La société minière entreprendra l’exploitation de la nouvelle fosse en 2021 et prévoit avoir terminé l’exploitation de la première fosse en 2022.

Mais les travaux de restauration du site actuellement en exploitation ne débuteront pas en 2022.

« On fait actuellement des forages en vue de l’exploitation souterraine d’un gisement plus à l’est. Les travaux de restauration du site se feront lorsqu’on aura terminé cette autre phase », précise Serge Blais.

À ce jour, Mine Canadian Malartic a dégagé 160 millions pour la restauration du site. Une fois que l’exploitation cessera, on prévoit transformer le trou actuel en lac et on végétalisera les amas de pierres stériles qui forment une longue et large montagne.

« On n’a pas encore décidé de l’usage de la montagne. On a lancé des études. Est-ce que ce sera un parc de sentiers pédestres, un parc éolien en hauteur, un centre de ski ? L’avenir nous le dira, mais on sait qu’on aura les fonds nécessaires pour réaliser la restauration », anticipe Martin Ferron, le maire de Malartic.