La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) se dit prête à se défendre devant les tribunaux si l’ex-dirigeant de sa filiale Otéra Capital, Alfonso Graceffa, décide d’emprunter la voie judiciaire pour contester son congédiement.

PHOTO FOURNIE PAR ALFONSO GRACEFFA

L’ex-chef de la direction d’Otra Capital Alfonso Graceffa.

Toutefois, malgré la publication de deux communiqués, mercredi, il était difficile de savoir précisément comment le principal intéressé comptait s’y prendre pour faire valoir sa version.

Quatre personnes, dont M. Graceffa, avaient perdu leur emploi le 28 mai dernier au terme d’une enquête indépendante commandée par le bas de laine des Québécois à la suite de reportages embarrassants entourant certains gestes posés par des responsables de sa filiale spécialisée dans le financement hypothécaire.

Mercredi, dans un communiqué, M. Graceffa a critiqué la CDPQ en lui reprochant « l’opération de relations publiques » visant à le « discréditer », offrant au passage son « entière collaboration » à l’Unité permanente anticorruption (UPAC).

Il a laissé entendre que l’UPAC aurait en sa possession le rapport d’enquête sur Otéra Capital. Sur cette question, une porte-parole du corps policier, Lissia de Bellefeuille, s’est limitée à dire qu’elle ne pouvait commenter.

Disant vouloir « rétablir sa réputation », M. Graceffa n’a pas dit clairement si et quand une poursuite serait déposée contre son ex-employeur.

« Les reproches évoqués contre moi sont basés sur des faits incomplets et pris hors contexte (et) constituent une atteinte inacceptable et injustifiée à ma réputation », a-t-il affirmé, en début de journée, dans son communiqué initial, ajoutant qu’il n’y a eu « aucune preuve de fraude ou de blanchiment d’argent touchant le portefeuille d’Otéra ni de transactions frauduleuses ».

Sans préciser davantage ses intentions, l’ancien président d’Otéra Capital a réitéré, dans un deuxième communiqué diffusé en fin d’après-midi, sa volonté de démontrer sa « probité exemplaire » auprès des « autorités » — sans mentionner cette fois-ci le nom de l’UPAC.

Pour sa part, la CDPQ a répliqué aux arguments de M. Graceffa en affirmant qu’elle comptait défendre « avec vigueur » la décision de congédier pour cause M. Graceffa.

Dans une déclaration, l’institution a souligné que les « manquements éthiques graves » qui se trouvaient dans le rapport d’enquête ne « correspondent d’aucune façon aux normes élevées » qui s’appliquent au grand patron d’une filiale d’une institution publique.

« Nous gérons l’argent des Québécois et l’éthique et l’intégrité sont donc non négociables, a expliqué un porte-parole, Maxime Chagnon, au cours d’un entretien téléphonique. Il est tout aussi clair pour nous qu’aucune indemnité, quelle qu’elle soit, ne sera versée. Ça serait inacceptable. Nous sommes prêts à détailler en cour tous les faits qui ont conduit à notre décision. »

L’enquête, qui a coûté 5 millions, avait relevé des manquements éthiques tout en soulignant qu’il n’y avait aucune preuve de fraude ou de blanchiment d’argent concernant le portefeuille d’Otéra et qu’il n’y avait aucun élément permettant de croire qu’il y ait eu des transactions frauduleuses. Toutefois, le rapport ne nommait pas les personnes à qui l’on reprochait des manquements éthiques.

En plus de M. Graceffa, la vice-présidente au financement immobilier Québec et Est du Canada, Martine Gaudreault, ainsi que l’économiste Edmondo Marandola avaient perdu leur emploi.

Les irrégularités constatées chez Otéra Capital avaient été mises au jour par le Journal de Montréal en février.

Le quotidien avait notamment révélé que M. Graceffa avait obtenu 11 prêts totalisant plus de 9 millions d’une filiale d’Otéra pour financer des immeubles à revenus dont il était propriétaire, que M. Marandola agissait comme promoteur immobilier parallèlement à son emploi chez Otéra et que Mme Gaudrault et son conjoint, Alain Cormier, étaient aussi en affaires ensemble et que ce dernier, un prêteur privé, entretenait des liens d’affaires avec le clan Rizutto.

Dans la foulée de l’enquête indépendante, la CDPQ avait procédé à un remaniement de la direction au sein de sa filiale en plus d’apporter des changements en matière de gouvernance ainsi qu’au code d’éthique.

En date du 31 décembre dernier, le portefeuille de placements d’Otéra Capital était de 13,6 milliards, alors que l’actif net de la CDPQ s’élevait à 309,5 milliards.