Pierre Fitzgibbon, ministre du Développement économique et de l’Innovation, ne s’en cache pas, il n’existait pas 36 solutions dans le dossier de la mine de diamants Stornoway, fortement déficitaire et au bord de la faillite. « On avait deux options : soit on ferme la mine et on dit adieu à un investissement de 1 milliard, soit on restructure le capital et on continue les opérations jusqu’à ce que les prix du diamant se relèvent. »

En toute fin d’après-midi, vendredi dernier, le lit du ministre était fait. Après de longues négociations entre les principaux créanciers garantis de Stornoway, dont Investissement Québec (IQ) qui en était le principal, une entente pour la poursuite des activités de la seule mine de diamants au Québec était à peu près ficelée.

« Il fallait que tous les créanciers travaillent ensemble. On s’est dit, restructurons le capital pour libérer l’entreprise de ses charges financières jusqu’à ce que les prix des diamants reviennent à des niveaux plus normaux.

« C’est Investissement Québec qui a été le maître d’œuvre pour faire aligner les intérêts de tous, et tous les créanciers nous ont appuyés. C’est une histoire qui va se tenir debout », m’a expliqué le ministre Fitzgibbon en entrevue.

Il faut préciser que l’intérêt de Québec dans le dossier de la mine Renard est important. Non seulement IQ était le principal créancier de la mine de diamants avec une dette de plus de 122 millions, mais aussi Ressources Québec était le plus important actionnaire de Stornoway, détenant plus de 26 % de ses actions en vertu d’investissements de plus de 180 millions.

Dans la foulée de la restructuration qui a été annoncée hier, tous les actifs de Stornoway seront pris en charge par les créanciers garantis de l’entreprise, sous l’égide de Redevances Aurifères Osisko.

Osisko, la Caisse de dépôt et placement et Triple Flag vont se partager 65 % de la propriété de la nouvelle entité. Ces trois institutions sont entrées au capital de Stornoway par la voie de contrats d’achat de la production de la société diamantaire.

À l’époque, lors du financement de près de 1 milliard qui avait été mis en place pour lancer le projet de la mine Renard, ces sociétés avaient injecté 285 millions US pour acquérir 20 % de la production annuelle de diamants dans une opération dite de « streaming ».

Ces trois entités ont accepté de ne plus encaisser les flux diamantaires auxquels elles avaient droit pour plutôt les réinvestir dans les opérations de la mine Renard tant que les prix des diamants ne reviendront pas à un seuil assurant la rentabilité des activités.

Pour sa part, IQ va détenir une participation de 35 % dans la nouvelle entité en contrepartie de sa créance de 120 millions qu’elle détient dans Stornoway.

Une question de temps ?

À cet égard, Pierre Fitzgibbon est d’avis que l’exploitation de la mine de diamants atteindra prochainement le seuil de rentabilité espéré.

« Les prix sont présentement autour de 75 $US le carat. Libérée des charges d’intérêt et de paiement de redevances [les flux diamantaires], Stornoway deviendra rentable à un prix de 85-90 $US le carat. On n’est pas loin de cette marque », observe le ministre.

Patrick Godin, PDG de Stornoway, souhaite évidemment lui aussi que les prix se raffermissent au plus vite pour permettre la survie de la mine qui emploie quelque 550 personnes au nord de Chibougamau et dont les sous-traitants sont à 95 % des entreprises cries et québécoises.

« On ne souhaitait pas en arriver à se placer sous la protection de la loi sur les arrangements avec les créanciers, mais on n’avait plus d’autre choix. Tous nos fournisseurs ont été payés et vont continuer de l’être », a toutefois tenu à préciser le PDG de l’entreprise éprouvée.

Chez Redevances Aurifères Osisko, on n’est pas prêt à dire que l’on se prépare à rééditer avec la prise en charge de Stornoway le succès industriel et financier qu’a représenté la mise en œuvre du projet Canadian Malartic qui est aujourd’hui la plus grosse mine d’or au Canada.

« On embarque dans le projet de relance de Stornoway parce qu’on croit au système minier québécois dans un horizon de long terme. On est devenus le plus grand détenteur de terrains miniers au Québec et le plus grand explorateur minier au Canada.

« Stornoway représente exactement notre base d’investissement. On croit que le prix des diamants va se raffermir et que l’exploitation de la mine va se poursuivre », évaluait sobrement hier Bryan Coates, président de Redevances Aurifères Osisko.

Pas sûr que Stornoway devienne la prochaine Osisko, mais c’est seulement si elle poursuit son activité que l’on sera en mesure de voir jusqu’où les diamants québécois trouveront leur juste valeur sur le marché.