Nouveaux éléments dans l'affaire Edge, ce groupe visé par une enquête pour une vaste fraude fiscale.

La Presse a appris que les conseillers externes du réseau ont fait l'objet de perquisitions par la Sûreté du Québec, le 16 mars. Parmi eux se trouve l'avocat Jean-Pierre Dorais, du cabinet Lapointe Rosenstein Marchand Melançon (LRMM) et l'ex-fiscaliste condamné pour blanchiment d'argent Jacques Matte.

Edge est ce réseau qui vend un abri fiscal controversé à certains investisseurs fortunés, notamment des dentistes et des pharmaciens. La SQ estime avoir affaire à une fraude fiscale de plus de 90 millions.

Chez Lapointe Rosenstein, les enquêteurs ont saisi une boîte de documents. La boîte a été mise sous scellés pour protéger le secret professionnel de Jean-Pierre Dorais dans l'attente d'une décision à ce sujet.

« Revenu Québec avait un mandat contre des individus, nous a dit Me Dorais au téléphone. Notre cabinet représentait deux des individus. On leur a donné ce qui était indiqué sur le mandat. »

Dans ce dossier, rappelons que Lapointe Rosenstein a notamment produit un avis juridique concluant à la légitimité de l'abri fiscal, en dépit des problèmes des investisseurs avec le fisc. Cet avis repose notamment sur un jugement de la Cour canadienne de l'impôt, qui avait donné gain de cause à un contribuable contre le fisc concernant une version antérieure du produit Edge. Le cabinet défend des investisseurs contre le fisc.

L'ex-fiscaliste Jacques Matte a également fait l'objet d'une perquisition le 16 mars. La police s'est rendue à son bureau du 1, Westmount Square pour y saisir son ordinateur, mais également des documents relatifs au dossier Edge et de la correspondance entre le fisc et l'un des promoteurs ou ex-promoteurs du produit, Claude Duhamel.

DÉMISSION DU BARREAU

Jacques Matte est cet ex-avocat qui a été forcé de démissionner du Barreau en 2010 à la suite d'une fraude. En 2013, dans une autre affaire, il s'est reconnu coupable de fraude, de gangstérisme et de blanchiment d'argent, pour lequel il a écopé de 36 mois de prison. Il fait aujourd'hui affaire sous la raison sociale Services de fiscalité J.M.

Le 16 mars, les policiers ont aussi fait une perquisition dans les locaux de Santé fiscale inc., rue Sherbrooke Ouest, une firme qui gère les dossiers fiscaux de professionnels de la santé. Santé fiscale est présidée par Pascale Cauchi, qui a récemment été convoquée pour des audiences disciplinaires devant la Chambre de la sécurité financière.

Joint à son bureau, Jacques Matte affirme que la perquisition visait l'un de ses clients. Il n'avait rien d'autre à ajouter. Chez Santé fiscale, personne n'a rappelé La Presse.

L'information sur les perquisitions des conseillers externes se trouve dans des requêtes déposées en Cour supérieure par trois contribuables visés dans cette affaire. Le 19 mai, les trois contribuables ont obtenu d'un juge que tous les documents saisis soient scellés dans l'attente d'une décision définitive sur la validité des perquisitions. La décision, portée en appel par Revenu Québec, vise autant les documents saisis dans leur maison que ceux obtenus chez les trois conseillers externes.

SOUPÇONNÉS D'AVOIR FLOUÉ LE FISC

Les perquisitions ont été faites sur la base de motifs raisonnables de croire que les contribuables ont volontairement floué le fisc. Les documents ne mettent pas en cause Lapointe Rosenstein, Services de fiscalité J.M. ou Santé fiscale.

Essentiellement, faut-il rappeler, Edge permet aux investisseurs d'obtenir de juteuses déductions fiscales en achetant une franchise qui fait la commercialisation de logiciels jugés bidon par le fisc. Grâce à un montage financier, les déductions peuvent être jusqu'à cinq fois supérieures aux débours réels du contribuable pour l'achat de la franchise.

L'abri fiscal est offert sous différentes formes depuis 2002. En 2014 et 2015, l'Autorité des marchés financiers (AMF) et Revenu Canada avaient obtenu des verdicts de culpabilité contre l'ancêtre d'Edge et son promoteur Claude Duhamel.

L'AMF leur a imposé des amendes de 302 000 $ pour collecte illégale de fonds, une somme qui s'ajoute à l'amende de 1,4 million réclamée par Revenu Canada pour fraude fiscale.

Ces verdicts n'ont pas empêché l'organisation d'offrir une nouvelle mouture du produit en 2015, nommée Edge Software ou Highshare.