Les programmes de loyauté portent mal leur nom. À coups de milles et de points, ils veulent obtenir la fidélité des consommateurs, mais trop souvent, leurs pratiques déloyales soulèvent leur frustration.

Justement, une demande d'autorisation de recours collectif vient d'être déposée contre la Banque TD, qui réduira à partir de demain la valeur accumulée des Points TD sur cinq types de cartes « Voyages ».

Jusqu'ici, chaque tranche de 10 000 points TD permettait de réduire de 50 $ le coût d'un voyage acheté auprès d'un fournisseur externe. Mais dès demain, la valeur d'échange fondra à 40 $. Il s'agit d'une baisse de 20 %.

Le requérant du recours, qui avait accumulé plus de 184 000 points, verra donc la valeur de ses points fondre de 921 $ à 737 $, une perte de 184 $.

Bien sûr, la Banque TD a avisé sa clientèle de ce changement unilatéral. Mais de quelle façon! En gros caractères, l'avis au ton résolument positif mettait l'accent sur des « modalités d'échange plus souples que jamais » et sur une amélioration de la couverture d'assurance médicale.

Puis, dans les 15 pages suivantes, l'encart exposait en petits caractères les nouvelles modalités du programme, sans jamais souligner que les conditions d'échange seraient moins généreuses que les précédentes. Bien malins les clients qui ont pu détecter la dévaluation de leurs points!

En fait, le langage « alambiqué, peu clair, illisible et/ou incompréhensible » utilisé dans l'avis n'avait qu'un seul objectif: s'assurer que les détenteurs de la carte ne soient pas vraiment prévenus de la réduction de la valeur de leurs points, soutient le cabinet d'avocat montréalais Lex Group dans sa requête.

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Détenteurs de cartes récompenses, restez à l'affût! Il ne serait pas surprenant que d'autres programmes réduisent en douce leurs privilèges.

En avril dernier, Visa et MasterCard ont été contraintes de réduire les frais interchanges qu'elles imposent aux commerçants. Or, ces frais sont remis aux émetteurs des cartes, qui s'en servent pour financer leurs programmes de récompenses. Moins d'argent = moins de cadeaux, ou des frais annuels plus élevés.

Mais ce n'est pas d'hier que les programmes de fidélisation dévaluent en catimini la valeur des points accumulés par leurs membres.

Souvenez-vous quand Shoppers Drug Mart (Pharmaprix) a sabré son programme Optimum en 2010. Bien peu de ses 1,4 million de clients québécois ont dû comprendre que leurs points allaient refouler en lisant le petit avis illisible noyé dans un envoi promotionnel. En 2012, les tribunaux ont autorisé un recours collectif dans cette affaire.

Au fil des ans, plusieurs chaînes hôtelières, comme Hilton, Wyndham et Marriott, ont aussi gonflé le nombre de points requis pour obtenir une nuitée gratuite, dévaluant ainsi la valeur des points amassés par leurs clients.

Et les populaires programmes de fidélisation Aéroplan et Air Miles ont coupé les ailes de leurs membres avec leur politique d'expiration des milles.

Depuis 2011, les Air Miles ne sont plus valides que pour cinq ans. À partir du 31 décembre 2016, les membres verront leurs « vieux » milles expirer.

Mais Aéroplan, qui avait instauré une politique d'expiration de ses milles après sept ans, a finalement fait marche arrière en 2013 après avoir été l'objet d'un recours collectif.

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Je peux comprendre que les conditions d'un programme de fidélité ne soient pas coulées dans le béton pour l'éternité. Mais quand on dévalue rétroactivement la valeur des points déjà accumulés par les membres, il y a un problème.

Si les systèmes de fidélisation veulent changer leurs règles, qu'ils le fassent pour l'avenir, mais pas pour le passé.

Je peux comprendre que les points non utilisés par les membres pèsent lourd sur le bilan des entreprises de fidélisation. Mais ce n'est pas une raison pour les faire expirer.

Plusieurs provinces, dont le Québec, interdisent les dates d'expiration sur les cartes-cadeaux. Pourquoi ne pas étendre cette règle aux programmes de récompenses?

Vous me direz que ce n'est pas la même chose, car les adhérents n'ont pas réellement payé pour obtenir leurs points. C'est vrai. Mais durant des années, ils ont dirigé leurs choix de consommation pour favoriser un commerçant au détriment d'un autre. Cela vaut cher.

Et pendant des années, les membres ont consenti à partager de larges pans de leur vie privée. Cela aussi a un prix. D'ailleurs, il y a une corrélation directe entre la collecte de données sur les achats des consommateurs et les profits accrus des détaillants, a déjà exposé une étude du Centre pour la défense de l'intérêt public (PIAC).

Alors, les marchands ne peuvent pas revenir en arrière et modifier les règles du jeu à leur guise.

Mais à l'heure actuelle, aucune loi spécifique ne vise les programmes de fidélisation, qui sont une vraie monnaie de singe!

Il serait temps que les gouvernements se penchent là-dessus.

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Informez-vous sur le recours collectif contre la Banque TD: www.lexgroup.ca/classaction/td-travel-credit-cards/

EN AVOIR POUR SON ARGENT AVEC LES CARTES DE CRÉDIT RÉCOMPENSES

• Favorisez les cartes avec remises en argent. C'est plus simple et ça ne vous encourage pas à consommer davantage.

• Préférez les programmes dont les règles sont simples et permettent d'obtenir des récompenses rapidement.

• Méfiez-vous des cartes dont les frais annuels élevés effacent une bonne partie des récompenses obtenues.

• Attention aux publicités qui annoncent des taux de récompenses très élevés, parfois jusqu'à 5 %. Ces taux s'appliquent sur des achats bien précis et pour une durée limitée.

• Lisez les petits caractères. Souvent, les remises sont assujetties à des seuils ou des plafonds de dépenses.

• Ne ratez jamais un paiement sur votre carte de crédit: vous pourriez perdre vos privilèges et payer encore plus cher d'intérêts.

• Surtout, remboursez le solde de votre carte de crédit au complet chaque mois. Sinon, les frais d'intérêts de 20 % annuleront bien vite vos récompenses.