Les entrepreneurs qui espèrent une subvention pour faire avancer leurs projets devront refaire leurs calculs: le ministre de l'Économie, Jacques Daoust, entend mettre la hache dans cette forme d'aide qui coûte plus de 100 millions par année au gouvernement.

«On a été un État subventionnaire et ça n'a pas fonctionné, sinon on serait les plus riches du monde», a lancé hier M. Daoust en entrevue éditoriale à La Presse, assurant qu'il visait les anciens gouvernements autant péquistes que libéraux.

«Le Québec n'a plus les moyens de ne pas avoir de rendement sur ses investissements, a-t-il ajouté. Je parle comme un banquier, je le sais. Mais en fin de compte, si on sort un peu plus riches, on ne sera pas choqués.»

Au fil des ans, de nombreux projets industriels appuyés par l'État se sont soldés par des échecs. Qu'on pense à la Gaspésia, à Norsk Hydro ou à Pétromont. D'autres, comme celui du constructeur de camions Paccar, ont été fructueux. Mais de façon générale, la technique du spray and pray (saupoudrez les subventions et priez pour que quelques projets fonctionnent) a fait son temps, estime Jacques Daoust.

Mettre son expérience à profit

L'homme de 66 ans, ancien de la Banque Nationale et d'Investissement Québec, compte mettre à profit son «âge vénérable» et son expérience professionnelle pour réformer de fond en comble le système québécois de soutien aux entreprises.

La «révolution» est déjà en marche. «Depuis que je suis en poste (en avril), 12 entreprises m'ont dit: «Si vous ne nous donnez pas de subvention, on ne fait pas notre projet», raconte-t-il. J'ai refusé de le faire dans 11 des 12 cas, et tous les projets sont allés de l'avant quand même. Les gens d'affaires sont habitués de demander des subventions, ils voient ça comme un droit. C'est comme quand vous mettez un enfant devant un plat de bonbons.»

Jacques Daoust reconnaît qu'il s'agit d'un «changement de culture complet». «Mais je pense que d'ici un an ou deux, le marché va être habitué à ça», dit-il.

Une grande exception

Le ministre a fait une exception pour une «grande société» qu'il n'a pas voulu nommer et qui menaçait de délocaliser 1300 emplois en l'absence d'une subvention gouvernementale de plusieurs millions. Le mois dernier, Québec a aussi versé une «contribution non remboursable» de 1 million à l'entreprise chinoise Maple Armor, qui installera une usine de systèmes d'alarme à Saint-Bruno.

«Quand la situation l'exige, on va subventionner», admet M. Daoust. Mais depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement Couillard privilégie les prises de participation. Il a ainsi investi dans le capital-actions du détaillant en ligne Frank&Oak et d'Arianne Phosphate, qui développe un projet minier dans le nord du Québec.

Investissement Québec continuera de consentir des prêts et des garanties de prêt, mais à des taux «de marché», insiste Jacques Daoust.

«Si je te permets de faire en sorte que ton projet fonctionne, tu vas me traiter comme tu traites toute le monde, je ne serai pas le «coco» dont tu peux abuser», lâche-t-il.

Grâce à des grilles d'analyse rigoureuses, M. Daoust pense pouvoir réduire de façon substantielle le risque auquel s'expose Québec quand il vient en aide à des entreprises. Si bien qu'il entrevoit que, d'ici quatre ou cinq ans, cette mission pourrait ne plus rien coûter au gouvernement. «On pourrait autogénérer des subventions sans recourir aux fonds de l'État», avance-t-il.

Le ministre veut aussi changer les pratiques au sein du bras financier du gouvernement. «Mon problème avec Investissement Québec, c'est que le conseil d'administration prend beaucoup de décisions [d'investissement] alors que ce n'est pas sa job, soutient-il. Moi, je dis: "Laissez faire la direction et si vous ne lui faites pas confiance, changez-la."»

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Les secteurs chouchous resteront

En juillet, Jacques Daoust se demandait si le gouvernement ne devait pas cesser de privilégier certaines industries, comme celles de l'aéronautique et des jeux vidéo. Aujourd'hui, il n'en est plus aussi sûr. «Je ne dis pas qu'on ne bougera pas dans cette direction-là, mais il faut se poser la question sur la pérennité de ces secteurs-là», affirme-t-il. Rappelons qu'en juin, Québec a réduit de 20% les crédits

d'impôt dont bénéficient ces secteurs. Le ministre dit par ailleurs accorder beaucoup d'importance au maintien au Québec des sièges sociaux d'entreprises d'envergure mondiale comme CGI, SNC-Lavalin et Bombardier. Il souhaite aussi attirer des projets qui nécessitent d'importants investissements en immobilisations, notamment dans le domaine des ressources naturelles, y voyant une bonne façon de créer des emplois durables.