Dix ans après la chute de Cinar, Ronald Weinberg, cofondateur de l'entreprise avec feu Micheline Charest, a commencé à subir son procès pour fraudes, hier à Montréal.

Le ministère public reproche à M. Weinberg et à deux coaccusés, Lino Matteo et John Xanthoudakis, d'avoir détourné 126 millions de dollars dans des compagnies bidon aux Bahamas. Ils font face à des accusations de fraude, de faux, d'usage de faux et de faux prospectus. Les faits reprochés se seraient déroulés entre 1997 et 2005.

«C'est l'histoire de Cinar. C'est l'histoire de l'ascension et de la chute d'une entreprise publique et de ses fondateurs. C'est aussi une histoire de tromperie, de cupidité, d'avidité et d'immoralité...», a fait valoir le procureur de la Couronne Matthew Ferguson dans son discours d'ouverture, hier matin. Pendant 35 minutes, avec l'aide de graphiques et de tableaux, Me Ferguson a résumé la preuve qu'il entend faire pendant ce procès qui devrait durer environ cinq mois. La Couronne prévoit appeler 38 témoins. Outre ces témoins, il y aura une abondante preuve documentaire.

Le procès se tient exceptionnellement en présence de 14 jurés au lieu de 12. Le juge Pierre Labrie a fait valoir qu'il s'agissait d'une mesure de prudence visant à parer les imprévus, vu la longueur du procès. À la fin, s'ils sont encore tous là, seulement 12 d'entre eux iront en délibérations.

Le jury est composé de dix hommes et quatre femmes. Parmi eux, on retrouve un chef cuisinier, un employé de compagnie aérienne, un étudiant en géographie, une diététicienne, un employé dans une usine de plastique, un employé des postes... Il n'y a personne qui travaille de près ou de loin dans la haute finance. Me Ferguson concède que les faits sont compliqués, mais dès le début, hier, il a voulu rassurer les jurés en leur disant qu'ils n'avaient pas besoin d'expérience en finances, ni en comptabilité, ni en mathématiques, ni en droit pour effectuer leur travail. Tout ce qu'il leur faut, dit-il, c'est le gros bon sens qui permet de savoir la différence entre le bien et le mal.

Entreprise prospère

Cinar a été fondée vers la fin des années 70 par Ronald Weinberg et son épouse, Micheline Charest. C'était une entreprise de production de films d'animation éducatifs pour enfants. Elle est devenue une compagnie publique cotée en Bourse en 1993.

Selon le résumé que Me Ferguson a fait hier, à partir de 1998, à l'insu du conseil d'administration, des dizaines de millions de Cinar ont commencé à être transférés dans des petites compagnies aux Bahamas. La majorité de ces entreprises avaient leur siège social dans le même bureau aux Bahamas, celui de Norshield, dirigée par John Xanthoudakis. Lino Matteo était le patron de Mount Real Corporation. Le ministère public lui reproche d'avoir procédé à des manoeuvres frauduleuses pour camoufler la vraie nature des transactions. Les deux hommes étaient des associés de longue date, selon Me Ferguson.

En février 2000, le conseil d'administration de Cinar a réalisé que des millions avaient disparu. L'action de l'entreprise a perdu environ 70% de sa valeur. De 32,60$, elle a plongé à 10,25$.

L'enquête policière a commencé en 2003, mais ce n'est qu'en 2011 que les accusations ont été portées. Cinar aurait réussi à récupérer 86 millions, mais n'a jamais revu le reste de l'argent.

C'est un enquêteur de la Sûreté du Québec, Sylvain Deschamps, qui a été appelé comme premier témoin, hier.

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LES ACCUSÉS

> Ronald Weinberg, 62 ans, est cofondateur de Cinar.

> Lino Matteo, 52 ans, était PDG de Mount Real.

> John Xanthoudakis, 55 ans, était PDG de Norshield.

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INTERVENANTS DU PROCÈS

Juge: Pierre Labrie

14 jurés

Couronne:

Me Matthew Ferguson et Me Céline Bilodeau

Défense:

Me Jeffrey Boro et Me Annie Émond pour Ronald Weinberg.

Me Isabelle Lamarche pour John Xanthoudakis.

Lino Matteo se défend lui-même.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Lino Pasquale Matteo.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

John Xanthoudakis