La justice française a confirmé mercredi la condamnation de l'ex-courtier de la Société Générale Jérôme Kerviel à cinq ans de prison, dont trois ferme, mais annulé les dommages et intérêts record de 4,9 milliards d'euros représentant la totalité des pertes subies par la banque.

Pour ce volet civil de l'affaire, la Cour de cassation, plus haute juridiction française, a renvoyé le dossier à un nouveau procès devant la cour d'appel de Versailles.

Ce sera «le procès de la Société Générale», a commenté devant la presse Me Patrice Spinosi, un des avocats de l'ancien courtier, jeune homme sans histoire devenu en 2008 le symbole de la dérive des marchés.

«C'est une victoire» pour Jérôme Kerviel, a renchéri son autre conseil, Me David Koubbi, alors que l'avocat de la Société Générale, Me Jean Veil, a considéré que l'ex-courtier avait «perdu son procès».

Concernant la condamnation définitive de son client à de la prison, Me Spinosi a jugé «pour le moins surprenant d'incarcérer Jérôme Kerviel alors même que vient d'être reconnue l'existence de manquements significatifs de son employeur et des conséquences de ces manquements dans les faits qui lui sont reprochés».

«La peine est aujourd'hui exécutoire, nous allons prendre attache au plus tôt avec le parquet» pour savoir quand et comment Jérôme Kerviel devra purger sa peine, a expliqué l'avocat.

Plus de six ans après les faits, Jérôme Kerviel, 37 ans, accusé par la Société Générale de lui avoir faire perdre près de cinq milliards d'euros en 2008, continue à clamer son innocence et à reprocher à son ancien employeur d'avoir menti sur ses propres responsabilités dans l'affaire.

Lui-même était accusé d'avoir pris en 2007 et 2008 des positions spéculatives hors normes sur des marchés à risque, ayant parfois atteint des dizaines de milliards d'euros, et d'avoir déjoué les contrôles par des opérations fictives, de fausses écritures et des mensonges répétés. Mais il a toujours affirmé que son seul but était de faire gagner de l'argent à la banque et que ses supérieurs hiérarchiques cautionnaient ses méthodes.

Coup de théâtre

L'ancien courtier était absent mercredi au moment de la lecture de la décision de la Cour de cassation. Il a entrepris il y a bientôt un mois une marche à partir de Rome, après une rencontre avec le pape.

L'annulation des dommages et intérêts «est une super bonne nouvelle, c'est la seule chose que je dirai, je continue à marcher», a-t-il seulement déclaré mercredi, tout en marchant, toujours avec son polar rouge et ses lunettes, entouré d'une grappe de journalistes, sur une route de la région de Parme. Interrogé sur sa prochaine incarcération, il n'a pas répondu.

Pour se déterminer sur le volet des dommages et intérêts, la Cour de cassation a relevé que la Cour d'appel de Paris avait, en octobre 2012, condamné Kerviel à réparer l'intégralité du préjudice subi par la Société Générale, tout en reconnaissant «l'existence de fautes commises» par la banque.

Ces fautes ont «concouru au développement de la fraude et à ses conséquences financières», a estimé la Cour de cassation. Dès lors, elle a jugé que la Cour d'appel de Paris n'avait pas pris en compte les fautes de chacun pour évaluer le montant des dommages et intérêts et fait supporter au seul Jérôme Kerviel la réparation intégrale de la perte.

C'est un véritable coup de théâtre dans cette affaire, la justice ayant jusqu'ici été totalement sourde aux arguments de l'ancien courtier et de sa défense, que ce soit pendant le procès en première instance ou en appel.

Aujourd'hui, la plus haute juridiction française «a montré (...) la liberté (...) et l'indépendance dont elle fait preuve et elle a indiqué que ce n'est pas une affaire à cinq milliards d'euros», a déclaré Me Koubbi. «Nous repartons à zéro sur ce sujet», a-t-il dit.

«La Société Générale a gagné son procès... Nous n'avons pas du tout le sentiment, au sein de la Société Générale, que nous avons en quoi que ce soit perdu notre dossier», a martelé pour sa part l'avocat de la banque française, Me Veil.