Les autorités françaises ont ouvert une enquête sur SNC-Lavalin, soupçonnant la multinationale montréalaise d'avoir versé des pots-de-vin de 13,5 millions US à un intermédiaire aux Émirats arabes unis.

Le journal L'Union de Reims a rapporté hier qu'un «commissaire aux comptes» (vérificateur comptable) a découvert l'an dernier dans les livres de SNC «un versement suspect» de 13,5 millions US qui «semble sans rapport avec le portefeuille de contrats» que gère l'entreprise en Europe.

Selon le quotidien, le débours de 13,5 millions US est présenté comme faisant partie d'un projet européen de SNC-Lavalin, alors qu'il «correspond en réalité à la rémunération d'un intermédiaire étranger de luxe».

En juillet 2012, le commissaire aux comptes a fait part de ses constatations au parquet de Reims. Le procureur Fabrice Belargent a alors ouvert une enquête préliminaire pour «abus de biens sociaux» qui a été confiée à la police judiciaire et à la Division nationale des investigations financières.

En novembre, les policiers ont perquisitionné au siège social de SNC-Lavalin Europe, alors situé à Reims, mais déplacé depuis à Paris. D'après L'Union, les enquêteurs envisagent que le versement de 13,5 millions US ait pu être une «commission occulte» liée à des travaux effectués sur un «complexe gazier» à Abou Dhabi, aux Émirats.

«C'est relié à ce qui est arrivé au Canada», a déclaré hier la porte-parole de SNC-Lavalin, Leslie Quinton, au cours d'un entretien téléphonique, faisant référence aux versements irréguliers de 56 millions US découverts l'an dernier. Elle a toutefois refusé d'en dire plus.

SNC a révélé l'an dernier que deux de ses anciens dirigeants, l'ex-PDG Pierre Duhaime et l'ex-vice-président Riadh Ben Aïssa, ont autorisé le versement de commissions irrégulières totalisant 56 millions US. De cette somme, une part de 22,5 millions US aurait été déboursée pour permettre à SNC-Lavalin de décrocher le contrat de construction du nouveau Centre universitaire de santé McGill. MM. Duhaime et Ben Aïssa sont notamment accusés de fraude dans ce dossier.

On ne sait pas à quel projet sont liées les autres commissions douteuses, qui totalisent 33,5 millions US.

En août 2011, SNC-Lavalin a obtenu un contrat d'ingénierie, d'approvisionnement et de gestion de la construction pour un projet d'aluminerie et de centrale électrique alimenté au gaz naturel à Abou Dhabi. Il s'agit du seul contrat important décroché par SNC aux Émirats au cours des dernières années.

«Nous n'avons pas de détails sur le progrès de l'enquête française, mais nous continuons de coopérer pleinement avec les autorités, a indiqué Leslie Quinton hier. À notre connaissance, il n'y a aucune arrestation ni accusation à ce jour reliées à cette enquête.»

Une série de scandales

Outre l'affaire des commissions irrégulières, d'autres scandales ont ébranlé SNC-Lavalin au cours des 18 derniers mois. Selon la Gendarmerie royale du Canada (GRC), l'entreprise a versé pas moins de 160 millions en pots-de-vin à l'ancien régime Khadafi pour décrocher des contrats en Libye.

De plus, deux ex-employés de SNC ont été accusés en Ontario d'avoir trempé dans une affaire de corruption au Bangladesh.

Ce dossier a incité la Banque mondiale à placer sur sa liste noire plusieurs filiales de SNC-Lavalin pour les 10 prochaines années.