Le juteux contrat de 100 millions qu'a décroché l'entreprise montréalaise SM International pour la construction du siège social d'Air Algérie en banlieue d'Alger est en train de prendre une fâcheuse tournure.

Les travaux, lancés en juin 2011, devaient prendre fin ce printemps. Or, le projet n'est actuellement complété qu'à 40%, et le chantier est suspendu depuis le début du mois de mai.

Dans ce fiasco rocambolesque, Air Algérie et SM se relancent la balle. Chacune des parties réclame à l'autre un dédommagement de plusieurs millions.

SM International est l'une des plus importantes firmes de génie-conseil du Québec, mais dans ce dossier, elle agit comme maître d'oeuvre des travaux de construction. Air Algérie l'a sélectionnée au terme d'un appel d'offres en 2010.

Les problèmes n'ont pas tardé à surgir. Dès son arrivée sur le site, en mai 2011, SM a constaté que les fondations déjà présentes n'allaient pas être assez solides pour soutenir deux tours de 10 étages. La firme de génie responsable du projet, le bureau libanais Khatib&Alami, a révisé ses plans, mais on a découvert, en octobre 2011, que ceux-ci ne respectaient pas la réglementation algérienne.

Dans une poursuite déposée plus tôt cette semaine en Cour supérieure à Montréal, SM soutient que Khatib&Alami ne lui a remis qu'en mars 2012 la version finale des plans corrigés. Selon SM, Air Algérie a ensuite apporté à l'aménagement des bâtiments des changements importants qui ont exigé la réalisation de nouveaux plans. Ceux-ci seraient encore incomplets et n'auraient pas encore été approuvés par les autorités, allègue SM.

Pour ajouter à la complexité de l'affaire, SM affirme que Khatib&Alami «refuse de recevoir» ses communications depuis novembre 2012 et qu'Air Algérie a omis de lui verser plusieurs acomptes sur approvisionnements.

Mise en demeure et résiliation de contrat

Dans une demande d'arbitrage déposée fin avril devant la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale, à Paris, SM a réclamé une prolongation du délai de construction et plus de 39 millions «dus aux termes du marché». À la mi-mai, la firme québécoise est allée plus loin en mettant en demeure Air Algérie de lui verser 17,8 millions pour travaux et matériaux impayés.

Air Algérie a refusé de payer et a pressé SM, le 2 juin, de reprendre les travaux sans tarder. Or, d'après la firme, le permis de construire du transporteur aérien est expiré depuis plusieurs mois. Le 4 juin, Air Algérie a finalement résilié le contrat de SM «pour non-exécution générale, non-achèvement dans les délais et défaillance de l'entrepreneur».

Et voilà qu'Air Algérie cherche à mettre la main sur la garantie bancaire de 22,7 millions que SM a obtenue auprès de la Banque Nationale afin de décrocher le contrat. Pour SM, ces demandes de paiement formulées par le biais de la banque d'Air Algérie, le géant allemand Commerzbank, sont «frauduleuses, abusives et illégales» et ne visent qu'à permettre à la compagnie aérienne de «se faire justice elle-même».

SM demande donc à la Cour supérieure d'émettre une injonction pour empêcher la Banque Nationale de verser à Air Algérie les 22,7 millions de ses garanties bancaires.

L'entreprise n'a pas voulu commenter le dossier hier, mais a assuré qu'elle souhaitait terminer le projet, dont elle attendait à l'origine des profits d'au moins 10 millions.

Plusieurs autres firmes québécoises de génie-conseil, dont SNC-Lavalin, Dessau et Roche, sont actives en Algérie.