Réjean Paré a commencé sa carrière d'entrepreneur forestier en 1979 lorsqu'il s'est joint à la CIP, à La Tuque, comme opérateur-propriétaire d'une écimeuse, cette machine qui sert à ébrancher les arbres. Il décide rapidement de créer Rémabec, une entreprise d'opérations forestières qu'il a transformée en véritable machine à consolider le secteur avec 36 filiales et plus de 800 employés impliqués dans tous les domaines de la filière forestière.

L'homme que je rencontre est baraqué comme l'étaient les draveurs de l'époque, et la poignée de main ferme avale mes cinq phalanges comme si elles étaient celles d'un enfant. Réjean Paré a tous les attributs de ces industriels de régions qui ont fait leur marque à force de caractère, de travail et d'instinct.

Originaire d'une famille de 15 enfants de Girardville, une petite municipalité du nord du Lac-Saint-Jean, Réjean Paré a très tôt compris qu'il fallait être organisé et déterminé si on veut faire sa place comme entrepreneur.

«Quand j'ai débuté et que j'ai acheté ma première écimeuse, les taux d'intérêt étaient à 18 %. Il fallait que je travaille pour réaliser mes paiements», relate l'homme d'affaires.

Après son premier contrat d'approvisionnement de bois pour la CIP à La Tuque, Réjean Paré fonde son entreprise et part en Abitibi pour développer de nouveaux marchés où il offre ses services d'opérateur en forêt pour d'autres grandes compagnies papetières.

Rémabec assure aujourd'hui l'approvisionnement en bois pour des entreprises telles que Résolu, Kruger, Rock Ten et Arbec en Haute-Mauricie, sur la Côte-Nord et au Lac-Saint-Jean. Mais avec le temps, l'entrepreneur s'est aussi mis à réaliser des acquisitions de sociétés dans d'autres secteurs d'activité, mais tous liés à l'exploitation forestière.

L'entreprise, dont le siège social est toujours à La Tuque, est active aujourd'hui dans l'abattage et la récolte de bois, son chargement avec une flotte de camions hors route et le transport des billes et des copeaux avec une armada de 472 camions. Elle exploite aussi des garages et une entreprise de construction.

Rémabec est en outre active dans le secteur manufacturier puisqu'elle possède quatre scieries en Mauricie et sur la Côte-Nord et l'usine John Lewis de La Tuque, qui est le plus important producteur mondial de bâtons de Popsicle, avec une production annuelle de 7 milliards de bâtonnets...

«Mon modèle d'exploitation est simple. J'ai une participation majoritaire dans chacune de mes 36 entreprises. Mes participations oscillent de 51 à 100 %. Rémabec emploie 800 personnes, mais on a aussi 300 sous-traitants qui travaillent pour nous», souligne le consolidateur forestier.

Réjean Paré a bâti seul son entreprise, mais en 2008, il s'est associé au groupe Arbec, propriété de Jolinas - le holding de la famille Saputo - qui a pris une participation de 50 % au capital de Rémabec.

Cette association a permis à l'entrepreneur de monétiser une partie des 30 années qu'il a mises à développer Rémabec et de s'adjoindre un partenaire industriel important du secteur forestier.

Crise et reprise

L'homme que je rencontre à Roberval est manifestement plus détendu qu'à pareille date l'an dernier. La reprise des activités de construction résidentielle aux États-Unis a relancé l'activité forestière québécoise, qui a souffert d'une longue et épuisante disette.

«Je n'ai jamais vu ça, une crise qui dure 17 ans comme celle que l'on vient de traverser. On est habitués à passer au travers de cycles de baisse, mais jamais à une crise aussi sérieuse et aussi longue que celle que l'on vient de vivre.»

«Depuis six mois, ça n'arrête pas. Le marché est reparti, et tous nos chantiers en forêt vont bien. Ç'a été une crise qui a créé beaucoup de pertes, il a fallu revoir bien des choses. Le côté positif, c'est que c'est bon de se remettre en question, de se repositionner pour mieux rebondir», observe l'entrepreneur.

Les activités de coupes forestières de Rémabec ont relativement bien tenu le coup durant la crise parce que beaucoup de ses effectifs étaient occupés à travailler au déboisement du bassin hydrographique du projet de La Romaine d'Hydro-Québec.

Maintenant que la crise a fait place à la reprise, Réjean Paré ne cache pas qu'il est inquiet face à l'absence de relève pour les entreprises du secteur forestier.

«La crise et les fermetures d'usines ont détourné l'intérêt de bien des jeunes qui ne voyaient aucun avenir pour cette industrie. Des programmes de formation au cégep ont été fermés, faute d'étudiants. Mais moi, je vois que près de 200 de nos employés vont bientôt partir à la retraite. Ça nous prend des jeunes», déplore-t-il.

Réjean Paré précise pourtant que tous les campements de ses chantiers en forêt sont équipés d'une connexion à l'internet...

«L'autre problème auquel on est confrontés, c'est le manque d'entrepreneurs forestiers. L'équipement commence à manquer et ça, c'est inquiétant.»

À 57 ans, Réjean Paré a encore plein de projets pour Rémabec et ses proches disent qu'il n'a pas fini de déployer sa vision qui permettra de pousser plus loin encore son entreprise dans un marché qui, de surcroît, redémarre.