Fiera Capital a pris officiellement possession de Natcan cette semaine dans une transaction de 300 millions de dollars qui a fait bondir ses actifs sous gestion de 29 à 54 milliards. Ce n'est pas une raison pour que Jean-Guy Desjardins, président de Fiera, réduise pour autant la cadence. «Si une firme avec des actifs de 20 ou 25 milliards devenait disponible aux États-Unis, je suis prêt à réaliser une transaction d'ici trois ou quatre mois», avance-t-il le plus sérieusement du monde.

La feuille de route de Jean-Guy Desjardins est là pour confirmer que cette déclaration est loin d'être une boutade. Elle est en fait un souhait qui traduit bien la mission de consolidateur de l'industrie que s'est donné le gestionnaire de portefeuille.

Une histoire de 40 ans

Jean-Guy Desjardins a fondé, en 1972, une firme de gestion qui allait devenir TAL Gestion d'actifs. Durant les années 90, la firme s'associe à la Banque CIBC pour devenir un acteur indépendant d'envergure dans l'industrie du placement avec des actifs sous gestion de 65 milliards.

La CIBC aime tellement TAL qu'elle veut en acquérir la totalité des actions et fait une offre en 1999, au groupe dirigé par Jean-Guy Desjardins.

«On ne voulait pas vendre. On a même offert à la CIBC de racheter les 60% d'actions qu'elle détenait chez nous. Après deux ans de tractations, j'ai finalement cédé. À un moment donné, quand le prix est là, il faut que tu bouges. Surtout que j'avais 101 associés qui pouvaient récolter de grosses sommes d'argent», relate le gestionnaire.

Au terme de cette transaction, Jean-Guy Desjardins a évidemment hérité d'une fortune considérable dont il aurait pu sagement profiter, mais ce n'était pas dans sa nature.

Âgé aujourd'hui de 67 ans, Jean-Guy Desjardins a quand même pris une pause en 2001. Lui qui était célibataire depuis 12 ans a décidé de fonder une deuxième famille en se remariant. Il a eu deux enfants de ce nouveau mariage et il est père aujourd'hui de 5 enfants et grand-père de 11 petits-enfants.

En 2003, il décide de reconstruire une nouvelle firme d'investissement. Il fonde Fiera et rachète au Mouvement Desjardins sa firme de gestion de portefeuille Elantis et rapatrie la supervision de 5 milliards d'actifs pour le compte de Desjardins.

À la suite d'acquisitions successives, dont celle de la firme Sceptre de Toronto en 2010, Fiera se hisse au rang des principaux gestionnaires privés canadiens avec des actifs sous gestion de 29 milliards. Depuis lundi, à la suite de la fusion des actifs de Natcan, Fiera a été rebaptisée Fiera Capital et s'est hissée avec ses 54 milliards de fonds dans le peloton de tête des firmes de gestion privées canadiennes.

Une industrie continentale

La prochaine étape que vise Jean-Guy Desjardins, c'est donc l'acquisition d'une première firme de gestion aux États-Unis.

«On n'a pas le choix. L'industrie s'est continentalisée. Pour devenir un acteur d'envergure, il faut avoir une taille nord-américaine. Avec 55 milliards d'actifs, on est un petit acteur aux États-Unis. Il faut rapidement qu'on arrive à une taille de 200 milliards», note Jean-Guy Desjardins.

À cet égard, il précise qu'avec la seule croissance organique que génère Fiera, la firme pourrait atteindre cet objectif en 10 ans seulement.

«Normalement, on doit pouvoir produire 15% de croissance annuelle. En supposant un rendement annuel de 6% sur la valeur de nos placements et en ajoutant les 2 milliards de nouveaux actifs que va nous amener chaque année la Banque Nationale, on va doubler notre taille à 100 milliards d'ici 5 ans et à 200 milliards d'ici 10 ans», projette le PDG.

Mais le but, c'est de devancer cet échéancier en réalisant rapidement une acquisition aux États-Unis. C'est le mandat que s'est donné Jean-Guy Desjardins qui s'est déjà mis à la chasse au sud de la frontière.

«On a déjà un pied à Boston, où on a ouvert un bureau de distribution l'an dernier. On regarde une firme qui fait de la gestion de patrimoine ou de portefeuille pour des caisses de retraite. Pas question d'aller dans les fonds communs», précise-t-il.

Une bonne feuille de route

Fiera a une bonne feuille de route, insiste son PDG, puisque la firme se classe dans le premier quartile des gestionnaires de fonds sur une période de 10 ans. Jean-Guy Desjardins, qui est l'actionnaire de contrôle de Fiera, est aussi président du conseil, chef de la direction et chef des placements.

«La répartition d'actifs, c'est encore ce que j'aime le plus faire. On est des spécialistes dans les titres de revenu fixe qui représentent 60% de nos actifs, comparativement à 30% pour les placements boursiers et 10% pour les titres alternatifs», expose-t-il.

Fiera Capital a développé quatre hedge funds de revenus fixes et six autres dans la catégorie des actifs variables. La firme a aussi mis sur pied un fonds d'infrastructure, le fonds Fiera Axium infrastructure, qui a généré 470 millions de capitaux depuis son lancement en 2009-2010.

«C'est nous qui gérons le projet du Centre de recherches du CHUM. Un très beau projet d'une durée de 30 ans. On a aussi investi dans des autoroutes en Alberta, en Colombie-Britannique et dans la 407 en Ontario», souligne le gestionnaire.

Une structure d'entreprise bien établie

Chose certaine, Jean-Guy Desjardins savait où il voulait se rendre lorsqu'il a créé Fiera en 2003.

«Dès le départ, on a mis en place une structure d'entreprise capable d'absorber la croissance avec un PDG, un chef de l'exploitation, un vice-président ressources humaines, un chef des finances. Cela entraînait des coûts supplémentaires, mais on savait qu'on allait rapidement atteindre la taille qui justifierait pareille structure.

«Maintenant, à chaque acquisition que l'on fait, on conserve les ressources que l'on juge nécessaires et on n'augmente pas notre structure de coûts pour autant», observe-t-il.

Jean-Guy Desjardins insiste aussi sur le caractère hautement fédérateur de la dernière transaction avec Natcan.

«C'est quand même unique. Fiera Capital a comme principaux actionnaires le Mouvement Desjardins et la Banque Nationale, nos deux plus importantes institutions financières. Cela confirme la force de nos assises montréalaises et québécoises», relève le PDG.