Le géant nucléaire français Areva, qui a perdu près de 2 milliards de dollars américains en acquérant la société minière canadienne UraMin, n'a pas été victime d'une manipulation boursière ayant gonflé artificiellement la valeur de l'entreprise.

Ce serait du moins la conclusion des «autorités boursières canadiennes», relayée récemment à l'un des députés français qui chapeautent une mission parlementaire chargée d'étudier la situation financière de la société d'État.

«Il y a eu une enquête des autorités boursières qui a conclu qu'il n'y avait pas eu de manipulation», a assuré hier Marc Goua.

Le député n'a pu préciser quel organisme avait mené l'enquête, laquelle n'a pas été formellement signalée à ce jour au Canada.

«On m'a dit que s'ils ne trouvaient rien, ils ne communiquaient pas», a déclaré l'élu lors d'une conférence de presse tenue au début de l'après-midi à l'Assemblée nationale, après la présentation du rapport parlementaire sur Areva à la commission des Finances.

Aucune preuve contre le Canada

M. Goua a précisé qu'il avait échangé à plusieurs reprises avec l'équipe de la sénatrice Céline Hervieux-Payette, qui a demandé à la mi-février à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de faire toute la lumière sur l'affaire UraMin.

«Compte tenu qu'il y a lieu de croire qu'UraMin se serait peut-être livrée à des délits d'initié et à d'autres activités frauduleuses [...], madame la leader recommanderait-elle au gouvernement de demander à la GRC d'entamer immédiatement une enquête sur UraMin [...] afin de blanchir la réputation du Canada?», a-t-elle demandé au Sénat en s'adressant à la leader du gouvernement, Marjory LeBreton, qui n'a pas pris d'engagement à ce sujet.

Le rapport de la mission parlementaire française indique qu'il n'y a «apparemment» pas eu de «manoeuvres frauduleuses» dans l'achat d'UraMin en évoquant les conclusions du comité de surveillance d'Areva parues à la mi-février.

Le comité a précisé à cette occasion n'avoir «eu connaissance [...] d'aucun élément venant accréditer la réalité de ces thèses» de manipulation.

Accès difficile

Selon la mission d'information parlementaire, «l'envolée» du cours de l'action d'UraMin dans la période précédant l'offre publique d'achat d'Areva en 2007 s'explique par divers facteurs: la hausse «vertigineuse» du cours de l'uranium à l'époque, l'intérêt déjà manifesté par Areva en acquérant 5,5% du capital d'UraMin ainsi qu'une communication «habile» de la direction de la société minière.

M. Goua a indiqué hier que les dirigeants d'UraMin étaient intervenus publiquement à plusieurs reprises avant la conclusion de la vente pour souligner les «volumes» potentiels d'uranium pouvant être extraits des gisements acquis par l'entreprise.

Selon la mission parlementaire, les 60 000 tonnes de minerai qu'Areva espérait tirer de ces gisements existent bel et bien, mais leur répartition entre les différents sites est différente de celle qui avait été annoncée.

«De plus, la qualité et la densité du minerai sont faibles, voire médiocres, et les coûts d'exploitation supérieurs aux estimations», relève le rapport.

«L'un des sites est difficilement accessible obérant les coûts de mise en oeuvre et d'extraction. Ces éléments endogènes et, évidemment, la chute des cours de l'uranium suite notamment à l'accident au Japon [survenue en 2011] rendent l'opération UraMin périlleuse», relate les auteurs du document.

Le coût d'extraction «comparé aux cours actuels du minerai ne permet plus, pour l'instant, de réviser les investissements nécessaires pour assurer la production dans des conditions économiques viables», ajoutent-ils.

Dysfonctionnements

La mission parlementaire a aussi relevé des «dysfonctionnements» dans les échanges entre Areva et l'Agence des participations de l'État (APE), qui avait approuvé la transaction au nom du gouvernement. La société, relèvent-ils, a notamment transmis en les édulcorant les conclusions pessimistes de ses géologues relativement à la richesse des gisements concernés.

Plusieurs personnalités connues de Montréal ont participé à la vente de la société, qui était cotée à la Bourse de Toronto. Le principal actionnaire et fondateur de la société était Stephen Dattels, diplômé de l'Université McGill et expert des montages dans le secteur financier.