Un rachat massif par la Banque centrale européenne (BCE) des obligations des pays en difficulté serait l'élément catalyseur qui permettrait aux marchés boursiers de poursuivre la remontée amorcée en octobre.

Cela déclencherait un bon rallye de fin d'année, assure Ismaël Chiadmi, vice-président principal chez Montrusco Bolton. Les dirigeants allemands s'y opposent bec et ongles, mais au prochain dérapage des marchés, les pressions sur la BCE pourraient devenir très fortes, voire insoutenables. «Des actions plus importantes seront prises lorsque la situation se détériorera davantage», opine Jean-René Adam, chef des placements adjoint chez Hexavest.

Des signes de dérapage commencent à apparaître. Mercredi, l'indice S&P 500 a chuté de plus de 1,5% durant la dernière heure de négociations lorsque l'agence de notation Fitch a prévenu que les perspectives pour l'industrie bancaire américaine allaient s'assombrir en l'absence d'un règlement ordonné du problème des dettes souveraines en Europe.

Hier, même les propos du président de la Réserve fédérale de St. Louis, James Bullard, n'ont pas réussi à rassurer les marchés américains. «La crise européenne risque peu d'avoir beaucoup d'impact aux États-Unis», a-t-il dit. Il a ajouté que la Réserve fédérale (Fed) a déjà mis en place les mesures nécessaires pour protéger l'économie américaine. Après s'être maintenu en matinée, l'indice S&P 500 est tombé de plus de 2% en après-midi sous le poids des inquiétudes émanant d'Europe.

On frappe le mur

Après avoir bondi de 16% le mois dernier, l'indice S&P 500 semble s'être buté à un mur en novembre. En effet, après avoir rejoint sa moyenne mobile de 200 jours qu'il n'a pu surpasser de façon significative, l'indice s'est négocié entre 1220 et 1270 depuis ce moment.

Pourtant les données économiques américaines ne sont pas mauvaises. Même que l'économiste en chef de la Deutsche Bank pour les États-Unis, Joseph Lavorgna, croit que la croissance économique américaine pourrait excéder 4% au quatrième trimestre. Les ventes au détail pour le mois d'octobre devraient inciter les entreprises à regarnir leurs inventaires, croit-il.

Mais les investisseurs continuent d'avoir les yeux fixés sur la crise européenne, et avec raison.

On aurait pu croire que les changements de gouvernement en Grèce et en Italie allaient offrir un répit à la crise des dettes souveraines. Mais ce n'est pas le cas, explique Paul-André Pinsonnault, économiste principal à la Financière Banque Nationale. Si les taux d'intérêt ont baissé quelque peu en Italie, c'est tout le contraire en Espagne. Hier, cette dernière a dû payer près de 7% pour vendre 3,5 milliards d'euros d'obligations de 10 ans.

La situation est semblable en Autriche. Malgré sa cote AAA, les obligations autrichiennes se sont éloignées de 100 points de base des obligations allemandes (Bunds).

Les mains liées

De par sa charte, la BCE ne peut agir comme prêteur de dernier ressort auprès des gouvernements européens. Elle serait donc malvenue d'annoncer publiquement qu'elle achètera toutes les obligations nécessaires pour aider les pays aux prises avec une crise de liquidité.

Peut-elle contourner le problème? Les dirigeants français ont proposé à cet effet d'accorder le statut de banque au Fonds européen de stabilité financière (FESF). C'est lui qui achèterait les obligations en se finançant auprès de la BCE. D'autres moyens pourraient également être envisagés.

Comme le rappelait James Bullard, la Fed a mis en place plusieurs mesures pour éviter un retour en récession. En plus de maintenir le taux directeur à zéro, elle a effectué deux opérations d'assouplissement quantitatif, avant de mettre en place l'opération Twist par laquelle elle vend des obligations à court terme pour racheter des obligations à long terme.

À l'exception d'une baisse de son taux directeur à 1,25% le 3 novembre et de rachats ponctuels d'obligations, la BCE s'est abstenue jusqu'à maintenant d'utiliser des moyens comparables à ceux de la Fed.

Le fera-t-elle au cours des prochaines semaines? Le rallye de fin d'année en dépend probablement.