Les investisseurs retiendront leur souffle lundi matin alors que les grandes Bourses ouvriront pour la première fois depuis la dégradation de la note de crédit des États-Unis. Même si les impacts de la décote restent incertains, les dirigeants des grandes puissances économiques sont déjà sur le pied de guerre afin de parer à la menace d'un plongeon des marchés financiers.

Pour la première fois depuis sa création en 1941, l'agence Standard & Poor's (S&P) a abaissé vendredi la note de crédit des États-Unis d'un cran, la faisant passer de «AAA» à «AA+».

Pour justifier sa décision, l'agence a notamment invoqué le «fossé» qui existe entre les partis politiques à Washington sur la question de la gestion de sa dette publique, qui dépasse maintenant 14 500 milliards de dollars US. Cette sanction est survenue quelques jours après la fin du psychodrame sur le haussement du plafond d'emprunt et du plan de réduction du déficit, deux sujets qui ont déchiré républicains et démocrates sur la place publique jusqu'à la toute dernière minute avant le vote au Congrès mardi.

Les Bourses asiatiques, qui avaient déjà commencé à reculer vendredi, étaient toutes en baisse à l'ouverture des marchés lundi matin, dimanche soir à l'heure du Québec. Au moment de mettre en ligne, la Bourse de Tokyo affichait ainsi un recul de 1,3%. Hong Kong avait perdu pour sa part 2,8%. Séoul a quant à elle perdu 1,5%. En Australie, la Bourse de Sydney était en recul de 0,6%.

Déjà, dans la journée, les analystes avaient eu un premier indicateur de la température des marchés depuis l'abaissement de la note de crédit d'oncle Sam. Les Bourses d'Israël et des pays du Golfe, les rares à être ouvertes le dimanche, ont connu une dégringolade majeure. La Bourse de Tel-Aviv a plongé de plus de 6% en séance dimanche. Après avoir ouvert sur un recul de 4,5%, l'indice de la Bourse de Dubaï a terminé en baisse de 3,69%. Dans l'émirat voisin d'Abou Dhabi, la Bourse a cédé à 2,53%. La Bourse saoudienne a quant à elle ouvert dans le rouge pour la deuxième journée consécutive. Mais après la chute de 5,46% samedi, l'indice Tadawul All-shares (TASI) a terminé dimanche légèrement en hausse (+0,08%).

Inquiétudes

Trois agences ont le mandat d'évaluer la cote de crédit des États-Unis: Standard & Poor's, Moody's et Fitch. Pour l'instant, Moody's et Fitch ont décidé de maintenir leurs cotes à «AAA». Des analystes des deux firmes ont toutefois indiqué qu'une dégradation de la note était possible.

C'est la première fois que la note des États-Unis est abaissée par l'une des trois agences. Il est donc difficile de prévoir son impact sur l'économie mondiale. De nombreux économistes craignent cependant la débâcle des marchés.

«Le fait que S&P ait finalement appuyé sur la gâchette [...] va sans aucun doute ébranler les marchés financiers à leur ouverture lundi», a indiqué Paul Dales, analyste chez Capital Economics, établie aux États-Unis.

L'ancien président de la Banque centrale américaine, Alan Greenspan, a parié dimanche que la déprime allait continuer «un moment» sur les marchés. À la question de savoir s'il croyait un «krach» possible aujourd'hui, il a répondu que c'était «difficile à dire».

De son côté, Standard & Poor's s'est faite plus rassurante. Selon le directeur général de la notation des États chez S&P, David Beers, les marchés financiers ne risquent pas d'être gravement affectés. «Les marchés réagissent à plusieurs facteurs», a-t-il déclaré.

Rencontres au sommet

Tout le week-end, les dirigeants politiques et banquiers centraux des pays du G7, du G20 et de la zone euro ont multiplié les contacts afin de trouver une solution concertée à la crise. Dimanche soir, les ministres et dirigeants du G7 ont d'ailleurs tenu une conférence téléphonique avant l'ouverture des marchés asiatiques.

Désireux de ramener le calme au sein des marchés financiers mondiaux, les responsables des ministères des Finances des grands pays industrialisés ont promis d'accroître la collaboration pour attaquer les problèmes économiques. Dans un communiqué de presse conjoint, émis tard dimanche, ils ont déclaré qu'ils étaient déterminés à prendre les mesures nécessaires pour assurer la stabilité et la croissance financières. Une autre téléconférence secrète se serait tenue dans la nuit de samedi à dimanche. Les pays du G20 auraient aussi tenu une conférence en matinée.

La Banque centrale européenne (BCE) a quant à elle annoncé vouloir stimuler les marchés obligataires espagnol et italien tout en faisant chuter les intérêts qui menacent les budgets de ces pays en mettant en oeuvre son programme de rachat d'obligations. L'Italie et l'Espagne tentent présentement d'éviter un effondrement financier tel que ceux qui ont contrait la Grèce, l'Irlande et le Portugal à demander une aide d'urgence.

La classe politique américaine divisée

À Washington, démocrates et républicains ont rejeté sur l'autre la responsabilité de la chute de la note de crédit. La Maison-Blanche a montré du doigt les républicains du Tea Party, affirmant que ses candidats refusaient toute forme de compromis lors du feuilleton entourant la hausse de la dette.

«C'est dégradation, c'est celle du Tea Party», a affirmé, à la télévision, le sénateur démocrate John Kerry à l'endroit du mouvement ultraconservateur. «Ce dont nous avons besoin ici à Washington, c'est d'arrêter nos empoignades.»

Le sénateur républicain John McCain, qui était sur le même plateau, a rétorqué qu'il était «d'accord sur le fait que notre système souffre de dysfonctionnements, mais qui viennent en bonne partie de l'échec du président à diriger le pays».

- Avec Agence France-Presse, Associated Press, The New York Times et CNN