Las des rendements rikiki de votre compte d'épargne ou des montagnes russes des marchés boursiers traditionnels? Essayez les poursuites judiciaires...

C'est plutôt rare, mais si par hasard vous avez un petit surplus à placer cette année dans vos REER, peut-être devriez-vous envisager un tout nouveau secteur d'investissement: les poursuites judiciaires!

Ne riez pas, car ce type de placement existe vraiment et les perspectives de rendements sont plutôt intéressantes. Grâce à Juridica Investments, un fonds américain qui avance les sommes nécessaires à de grandes sociétés ou à leurs avocats pour financer leurs poursuites commerciales. Juridica touche un pourcentage des dommages si le plaignant gagne ou règle la cause.

Et ça marche!

Depuis son lancement en décembre 2007, Juridica a investi dans une vingtaine de causes et est six en six dans celles où un jugement a été rendu. La première année, les clients de Juridica ont gagné deux causes, qui ont rapporté 6 millionsUS en dommages. Et l'an dernier, ils en ont réglé trois, pour un profit de plus de 3 millionsUS.

Des poursuites inscrites en Bourse!

Les patrons de Juridica, Richard Fields et Timothy Scrantom, deux avocats, sont établis à New York, mais ont réussi à obtenir 200 millionsUS sur le marché AIM, de Londres. Si bien qu'il est possible d'acquérir des actions de Juridica sur le marché boursier. En deux ans, l'action a augmenté d'environ 20%. Pas mal, mais ce n'est qu'un début, selon les dirigeants.

«C'est un domaine où la patience est de mise» dit Richard Fields, 54 ans. Il explique que les procès sont longs, durent souvent plusieurs années, et qu'il faut donc être patient avant de voir des résultats. Mais il s'attend à récolter bientôt un très gros pactole avec une cause gagnée l'automne dernier. Le verdict sur le montant des dommages devrait tomber d'un jour à l'autre.

Les clients de Juridica sont des grandes entreprises listées dans les Fortune 500. Elles utilisent ses services pour partager le risque financier des litiges commerciaux. Car à 1000$ l'heure - le taux horaire de certains plaideurs américains - la facture grimpe rapidement à plusieurs millions de dollars.

Juridica investit entre 2 et 5 millions, selon le dossier. Mais la société peut allonger plus si la cause est vraiment intéressante. Son investissement le plus important se chiffre à 18 millionsUS. Récemment, elle a fait partie d'un syndicat financier qui a avancé 35 millionsUS pour financer une grosse poursuite.

Chaque dossier est scruté à la loupe par les avocats de Juridica. Ils analysent les chances de succès et essaient de prévoir le montant des dommages en cas de victoire. C'est un business risqué, bien sûr, mais à fort potentiel de croissance.

«C'est un marché gigantesque!» dit Richard Fields. Il explique qu'aux États-Unis seulement, le marché des frais juridiques dans les litiges commerciaux est évalué à 30 milliardsUS. Celui des dommages est évidemment beaucoup plus gros.

Pour le moment, peu d'acteurs se sont aventurés dans le marché du financement des poursuites judiciaires. Mais cela devrait bientôt changer. Credit Suisse a depuis peu une filiale dédiée au financement des litiges et quelques fonds spéculatifs explorent le concept. Signe que ce micro créneau pourrait s'élargir est qu'il commence à intéresser les sociétés de fonds communs de placement. En octobre dernier, Burford Capital Limited, de New York, a ainsi lancé un nouveau fonds dédié aux poursuites. Lui aussi listé sur le marché AIM, de Londres, il a recueilli 130 millions de dollars. Or, un de ses principaux actionnaires est Fidelity, plus grande société de fonds communs au monde.

Bientôt des fonds communs de litiges?

Richard Fields estime probable que ce type de placement soit éventuellement commercialisé par des entreprises de fonds communs. Pas tout de suite, car le créneau est encore vert, mais son équipe de Juridica et lui pourraient bien passer dans les mains d'un géant d'ici quelques années, croit-il.

En attendant, il se pourrait bien que Juridica fasse une petite incartade du côté canadien. Vrai, les dommages versés sont beaucoup moins élevés qu'au pays d'Obama. Il reste que le concept existe ici aussi, bien que le modèle d'affaires soit légèrement différent. Par exemple, chez Lexfund, de Waterloo, en Ontario, on finance les parties demanderesses dans des litiges civils ou commerciaux partout au Canada. Sauf qu'au lieu de percevoir une partie des dommages, on facture des intérêts (entre 2% et 2,4% par mois!), payables seulement si le client gagne sa cause. Les prêts - entre 10 000$ et 500 000$, selon les dossiers - sont eux aussi remboursables seulement en cas de victoire ou de règlement. Depuis six, ans, Lexfund a ainsi avancé des fonds dans plus de 1200 causes!

Il n'empêche que, peu importe le modèle, il intéresse les cabinets d'avocats, qui y voient l'occasion de se lancer dans des grands procès sans prendre le risque de ne pas être payés. Plusieurs grandes firmes d'avocats canadiens sont d'ailleurs déjà entrées en contact avec Me Fields - entre autres pour sonder son intérêt de financer des poursuites de leurs clients - et ce dernier s'est montré plutôt ouvert. «Si le dossier est intéressant, on est prêts à investir au Canada demain matin», dit-il.

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