Un ingénieur conçoit des ponts, des routes et des moteurs d'avion: voilà ce que bien des gens connaissent du génie. Mais les ingénieurs peuvent aussi créer des prothèses, assister un chirurgien par ordinateur, atténuer l'impact des cyberattaques et plus encore. Coup d'oeil sur des branches méconnues du génie.

Génie biomédical

Dernièrement, l'ex-hockeyeur Guy Carbonneau a vanté les mérites de la prothèse de la hanche qu'on venait de lui insérer. Cette avancée technologique a été rendue possible grâce au travail de collaboration avec des professionnels de la santé réalisé par Natalia Nuño, professeure au département de génie de la production automatisée à l'École de technologie supérieure (ETS).

«Prolonger la durée de vie des prothèses est un grand enjeu et pour y arriver, il faut trouver des designs et des matériaux innovateurs», indique la chercheuse.

Les ingénieurs biomédicaux travaillent notamment avec des logiciels pour simuler la marche et la montée d'escaliers avec le modèle de prothèse imaginé. Ensuite, ils valident leurs découvertes de façon expérimentale.

«On travaille aussi en collaboration avec les chirurgiens, qui nous disent par exemple si nos modèles de prothèses peuvent être facilement insérés dans le corps du patient», explique la Dre Nuño.

La hanche artificielle mise au point par l'équipe de l'ETS permet au patient de porter une prothèse environ 15 ans de plus que traditionnellement.

«C'est majeur comme avancée, surtout pour les gens qui souffrent d'arthrose précoce», précise la chercheuse.

Un ingénieur biomédical peut aussi travailler à créer des outils de diagnostic.

Jacques de Guise, professeur au département de génie de la production automatisée à l'ETS, a mis au point une technique qui permet de prendre deux radiographies d'angles différents en simultané, ce qui diminue de six à huit fois la dose de rayons X qu'on envoie au patient.

«Nous avons conçu cet outil entre autres pour les jeunes patients de l'hôpital Sainte-Justine qui ont un problème de déformation de la colonne vertébrale et qui doivent faire fréquemment des radiographies pour leur suivi, ce qui augmente leurs risques de contracter un cancer», explique-t-il.

Le Dr de Guise a aussi créé, avec son équipe, un système de capture de mouvement qui permet de voir la signature particulière du genou du patient.

«L'imagerie médicale donne une image statique, alors que pour poser le bon diagnostic et prescrire le bon traitement au patient, c'est essentiel de connaître le mouvement complexe de son genou avec précision», souligne celui qui a été le premier professeur associé au département de chirurgie de la faculté de médecine de l'Université de Montréal.

Le génie biomédical est en plein essor, si bien que Polytechnique a lancé l'an dernier le premier programme de baccalauréat dans le domaine au Canada.

«Avant, la formation se donnait uniquement au deuxième cycle, mais nous avons réalisé qu'il y avait des besoins pour une formation plus spécialisée dès le premier cycle», indique Pierre Savard, responsable du programme.

Une vingtaine de professeurs ont des activités de recherche dans le domaine du génie biomédical à Polytechnique.

Entre autres, Carl-Éric Aubin met au point de nouvelles technologies pour guider le chirurgien lors d'interventions visant à redresser la colonne vertébrale.

«Lorsque le chirurgien insère des tiges de métal, l'ingénieur lui indique à quel angle les placer et à quels endroits précis mettre les vis», explique le Dr Savard.

En plus des universités, les PME et les hôpitaux embauchent des ingénieurs biomédicaux.

Génie logiciel

Vous vous fâchez après un système automatisé de service à la clientèle et vous raccrochez, non sans laisser échapper quelques signes d'impatience?

Si un jour, un employé de l'entreprise vous rappelle pour tenter de régler votre problème, il se pourrait bien que ce soit grâce au travail de Pierre Dumouchel, professeur au département de génie logiciel et des TI à l'ETS.

«Nous avons conçu un logiciel qui permet de différencier une émotion négative d'une émotion positive», précise-t-il.

Le professeur a réalisé les premières études de faisabilité du projet et il souhaite maintenant créer un prototype qui pourrait être installé dans les centres d'appels de partout dans le monde, puisque le système intelligent est indépendant du langage. Ce sont plutôt des facteurs comme les changements d'énergie et le niveau de bruit qui lui permettent d'identifier un client frustré.

D'autres applications du génie logiciel sont très sérieuses, voire critiques pour la vie humaine.

«On peut par exemple travailler sur le logiciel d'un stimulateur cardiaque qui, évidemment, ne doit absolument pas avoir de défaillance. Pour y arriver, il faut le tester de façon exhaustive et le travail des ingénieurs est très important», explique Pierre Bourque, directeur du programme de maîtrise en génie logiciel à l'ETS.

L'armée est un bon exemple d'organisation qui ne pourrait fonctionner sans expertise en génie logiciel.

«Lors d'une mission à l'étranger, le réseau informatique de l'armée est quotidiennement attaqué. Les ingénieurs travaillent donc à en atténuer les effets», explique Michel Dagenais, directeur du département de génie informatique et génie logiciel à Polytechnique.

L'ingénieur logiciel est aussi beaucoup en demande dans le domaine de l'aéronautique, du jeu vidéo et du téléphone cellulaire, des industries toutes très importantes à Montréal.

Génie en santé et sécurité au travail

L'ingénieur spécialisé en santé et sécurité au travail s'est traditionnellement occupé de s'assurer, par exemple, que les machines utilisées en industrie étaient sécuritaires.

Or, depuis quelques années, les ingénieurs doivent faire face à de nouveaux défis. Un bon exemple? L'arrivée de nanomatériaux dans les différents environnements de travail.

«Il faut évaluer l'impact potentiellement nocif de ces nanomatériaux sur la santé des travailleurs et mettre en place différentes procédures pour assurer leur protection», explique Sylvie Nadeau, directrice de l'équipe de recherche en sécurité du travail à l'ETS.

Les ingénieurs spécialisés dans la santé et la sécurité au travail ont donc des défis techniques et technologiques à relever, mais cette spécialité comporte également un grand volet humain.

«En fait, je dirais que c'est presque une vocation parce qu'il y a beaucoup de travail et peu de joueurs. On a clairement besoin de relève dans le domaine», ajoute-t-elle.

En plus des organismes gouvernementaux et paragouvernementaux, les associations sectorielles paritaires, les grandes entreprises et les universités embauchent des ingénieurs spécialisés en santé et sécurité au travail.

 

En chiffres

Répartition des ingénieurs au Québec par domaine:

Génie mécanique 27,9%

Génie électrique 21,4%

Génie civil, du bâtiment, de la construction 18,8%

Génie chimique 7,2%

Génie industriel 4,5%

Génie informatique et logiciel 5,0%

Autres spécialités: 3% et moins

> 20,4% oeuvrent dans le secteur public, parapublic et dans les sociétés d'État et 79,6%, dans le secteur privé.

Dans le secteur privé, ils se répartissent comme suit:

> 30,6% dans le secteur manufacturier

> 20,8% dans les autres secteurs privés

> 19,8% en génie-conseil

> 8,5% en communications, télécommunications et informatique.

Source: Réseau des ingénieurs du Québec