Quand l'ancien propriétaire de Spectra Premium a voulu vendre son entreprise, en 2006, ses compétiteurs étaient sur la liste des acheteurs intéressés. Ça n'a pas plu aux gestionnaires.

«La dernière chose qui nous intéressait, c'était de nous faire acquérir par notre principal concurrent! raconte Jacques Mombleau, président et chef de la direction de l'entreprise. À moyen terme, cela risquait d'amener la disparition du siège social de Boucherville.» Employé de longue date, il s'est associé avec deux autres gestionnaires de l'entreprise pour chercher le financement nécessaire au rachat de Spectra Premium.

Cette entreprise, privatisée l'an dernier, fabrique des réservoirs d'essence et des pièces automobiles.

Après avoir approché différents groupes, les gestionnaires ont choisi le Fonds de solidarité FTQ comme partenaire.

«Le Fonds a été le leader pour mettre en place la structure financière afin de racheter l'entreprise, dit M. Mombleau. Il a servi de catalyseur pour amener à la table d'autres groupes pour faire le montage financier nécessaire au rachat. Ils ont amené dans la transaction Desjardins capital et le Groupe Camada.»

Le Fonds est devenu actionnaire de l'entreprise et il a permis de financer la transaction en partie, grâce à des prêts à terme non garantis.

L'importance du financement

Le financement est une composante très importante dans le succès d'un transfert d'entreprise, explique Louise St-Cyr, titulaire de la chaire de développement et de relève de la PME HEC Montréal.

«Selon une enquête menée aux États-Unis, la majorité des entreprises ayant fait faillite durant les cinq années suivant le transfert en avaient mal planifié le financement», dit-elle.

L'erreur la plus courante des entreprises est de trop s'endetter pour procéder au transfert.

«Il faut penser que l'entreprise aura besoin de financement pour se développer, faire de nouveaux projets et avoir une marge de manoeuvre en cas de coup dur, dit Louise St-Cyr. Si on a mal structuré le financement du transfert et qu'on a trop hypothéqué l'entreprise, elle va avoir de la difficulté à passer au travers.»

C'est là que le capital «patient» joue un rôle crucial.

«Nous offrons parfois un congé de remboursement de capital pendant les premières années, dit Gabriel Nadon, directeur de portefeuille de Solution Transfert PME, au Fond de solidarité FTQ. Cela permet de générer un flux monétaire aux entreprises pour répondre à d'autres besoins qui surviennent en parallèle.»

Depuis 2000, le Fonds a fait plus de 145 millions d'investissements dans des dossiers de transfert auprès d'une quarantaine d'entreprises. Auparavant, quand on pensait relève, on pensait surtout à la relève familiale.

Mais comme dans le cas de Spectra Premium, la relève peut venir des employés de l'entreprise, ou de l'externe.

Avec la création de Solution Transfert PME en mai dernier, le Fonds offre une vision plus large de toutes les solutions offertes pour permettre la transition d'entreprises.

L'objectif premier est de garder des emplois au Québec. «Nos entrepreneurs vieillissent et un nombre important d'entreprises changeront de main dans les prochaines années, dit Gabriel Nadon. Or, les acheteurs qui se présentent ne sont pas nécessairement québécois.»

Lorsque les nouveaux propriétaires viennent de l'extérieur, le risque est grand que l'usine soit convertie en centre de distribution et que la production soit rapatriée ailleurs, entraînant des pertes d'emplois pour le Québec.