La grippe aviaire H5N1 qui frappe l’Amérique du Nord depuis plus de deux ans s’est récemment étendue aux vaches. Au Texas, un employé d’un élevage bovin a été contaminé. Doit-on s’inquiéter ? Mardi, l’Organisation mondiale de la santé a jugé le risque d’infection humaine de « faible à modéré ».

Est-ce que la grippe aviaire a été transmise de la vache à l’homme ?

À l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), la vétérinaire Geneviève Toupin croit que non. « Pour le moment, le plus probable est que l’employé au Texas a été en contact avec les oiseaux sauvages qui transmettent la maladie eux aussi. On pense aussi qu’il n’y a pas encore de preuve de transmission entre vaches. »

Pour être infectée, une personne – ou un mammifère – doit être en contact prolongé avec un oiseau sauvage infecté, ou alors avec un milieu très contaminé par les déjections des oiseaux sauvages infectés, selon la Dre Toupin.

PHOTO FOURNIE PAR L'ACIA

Geneviève Toupin, vétérinaire

Mais Richard Webby, spécialiste de la grippe aviaire de l’hôpital St. Jude, au Tennessee, indique que les enquêtes sur des éclosions dans des élevages de vaches en Ohio et au Michigan n’ont pas trouvé d’autre facteur de risque que de récents transferts de vaches texanes.

« On pense qu’il y a maintenant de la transmission de vache à vache, et que probablement l’employé de la ferme au Texas a été contaminé par la vache », dit le Dr Webby, qui a publié plusieurs études ces dernières années sur la grippe aviaire H5N1.

Un seul autre cas humain de H5N1 en Amérique du Nord a été enregistré, tempère la Dre Toupin. Il s’agit d’un employé d’une ferme de poulets du Colorado en 2022. « Dans le monde entier, on parle d’une cinquantaine de cas humains », dit-elle. La maladie frappe l’Europe depuis 2019 et l’Asie depuis plus longtemps.

Des éclosions de H5N1 dans des élevages de visons en Europe ont été liées à l’utilisation de résidus d’abattoirs de poulets comme nourriture, mais la possibilité d’une transmission entre visons n’a pas été écartée.

Depuis quand la grippe aviaire frappe-t-elle les vaches ?

Depuis un peu plus de deux semaines. « On est encore en train d’essayer de comprendre ce qui se passe, dit le Dr Webby. On avait vu des cas chez les mammifères par le passé, mais jamais chez la vache, même avec d’autres grippes aviaires dans les décennies passées, au XXe siècle. »

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L'HÔPITAL ST. JUDE

Richard Webby, spécialiste de la grippe aviaire de l’hôpital St. Jude, au Tennessee

Est-ce que cela signifie que la grippe aviaire a subi des mutations problématiques pour l’humain, semblables à celles de la grippe porcine H1N1 de 2009 ?

« On a vu une mutation qui facilite la transmission entre les mammifères dans les premiers cas de vaches, dit le Dr Webby. Mais on avait vu cette mutation à différentes reprises ces deux dernières années, et elle ne semble pas mener à une transmission très forte. Il reste à voir si dans la dernière semaine, avec le cas humain au Texas et les transmissions possibles entre vaches en Ohio et au Michigan, on a d’autres mutations. »

Chez les mammifères, pour le moment, la maladie est généralement bénigne, selon le Dr Webby.

La grippe humaine H1N1 de 2009 est survenue après une transmission soutenue chez le porc d’une grippe H1N1, qui originellement provenait d’une grippe aviaire touchant les oiseaux sauvages. « Comparer la grippe aviaire H5N1 et la H1N1 est prématuré, dit le Dr Webby. La H1N1 circulait chez le porc depuis des années avant 2009. »

Pourquoi cette grippe aviaire est-elle plus inquiétante que les autres ?

C’est la première fois qu’on a une grippe aviaire hautement pathogénique qui circule chez les oiseaux sauvages, selon le Dr Webby. « Habituellement, chez les oiseaux sauvages, on a des grippes aviaires faiblement pathogéniques, qui ne tuent pas beaucoup d’oiseaux. Et sporadiquement, on a l’apparition de grippes aviaires hautement pathogéniques chez les poulets. Ces dernières disparaissent parce qu’on élimine tous les poulets des élevages touchés. »

Est-ce qu’une pandémie humaine est sur le point de survenir ?

La Dre Toupin, de l’ACIA, et le Dr Webby se font rassurants. « C’est normal de voir plus de cas chez des mammifères à l’automne et au printemps, au moment des migrations des oiseaux sauvages, dit la Dre Toupin. L’ACIA considère que le risque de transmission entre humains est faible. »

Il y a eu plusieurs vagues de grippes aviaires hautement pathogéniques chez le poulet au fil des décennies et jamais de transmission entre humains, note le Dr Webby. « Pour le moment, les espèces les plus à risque semblent être les oiseaux sauvages et le poulet. »

Peut-on manger le poulet, le bœuf, les œufs et le lait sans danger ?

Les autorités sanitaires canadiennes et américaines assurent qu’il n’y a aucun problème. La Dre Toupin souligne que les poulets des élevages touchés sont éliminés. Les mouvements de poulets des fermes situées dans un rayon de 10 km autour d’une ferme infectée sont interdits.

Pour le moment, une telle « dépopulation » n’est pas envisagée pour les élevages bovins touchés. « Mais on va voir comment la situation va évoluer dans les prochaines semaines, dit le Dr Webby. Je pense que soigner et isoler les vaches malades suffira. »

Une étude chez les vaches il y a 25 ans

Un seul chercheur a étudié la grippe aviaire chez la vache. « C’était il y a 25 ans », explique Ian Brown, directeur de la virologie aviaire à l’Institut Pirbright, au sud-ouest de Londres. « À l’époque, il y avait beaucoup de grippe aviaire et on voulait savoir si elle pouvait être responsable de la diminution de la production de lait dans les fermes laitières. Mes recherches montraient que les vaches étaient surtout touchées dans leurs glandes mammaires. Il n’était pas non plus très clair s’il y avait une transmission respiratoire ou autrement entre vaches. »

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L'AGENCE DE SANTÉ DES ANIMAUX ET DES PLANTES DU ROYAUME-UNI

Ian Brown, directeur de la virologie aviaire à l’Institut Pirbright, à Londres

Une chute anormale de la production laitière est aussi à l’origine des détections actuelles de grippe aviaire dans les vaches américaines, indique-t-il.

M. Brown ne croit pas qu’une transmission entre vaches est avérée en ce moment, mais il estime que le nombre de fermes laitières touchées rend plus improbable la possibilité que toutes ces vaches aient été infectées par des oiseaux sauvages.

En savoir plus
  • 11 millions
    Nombre de poulets morts de la grippe H5N1 (y compris les abattages) au Canada depuis janvier 2022
    source : Agence canadienne d’inspection des aliments
    1,4 million
    Nombre de poulets morts de la grippe H5N1 (y compris les abattages) au Québec depuis janvier 2022
    source : Agence canadienne d’inspection des aliments
  • 300 000
    Nombre de poulets morts de la grippe H5N1 (y compris les abattages) au Canada depuis janvier 2024
    source : Agence canadienne d’inspection des aliments