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Est-ce vrai que les gauchers vivent moins vieux que les droitiers ?
— Benoit Carbonneau

Les résultats d’une étude de 1991, qui affirmaient que les gauchers vivent moins longtemps que les droitiers, ont été réfutés à plusieurs reprises.

En 1991, ces chercheurs ont analysé les décès de gauchers et de droitiers. Or, les gauchers étaient nombreux dans la jeune génération, mais pratiquement absents chez les générations d’aînés. Pourquoi ? Jusque dans les années 1960 ou même 1970, les gauchers se faisaient apprendre à écrire de la main droite, explique Olga Basso, une épidémiologiste de l’Université McGill qui a publié une étude sur le sujet en 2000. Cela introduisait une distorsion et donnait l’impression que les gauchers mouraient plus jeunes, parce qu’il y avait moins de vieux gauchers.

L’étude de 1991, menée auprès de 1000 Californiens en 1989 par des chercheurs des universités de Californie du Sud et de Colombie-Britannique, concluait que les gauchers mouraient neuf ans plus jeunes que les droitiers. Publiée dans la prestigieuse revue New England Journal of Medicine, elle affirmait que la technologie était faite pour les droitiers et donc plus risquée pour les gauchers. Les mêmes auteurs avaient publié en 1988 dans Nature une étude sur 2271 joueurs de baseball concluant que chaque année, les gauchers avaient entre 1 % et 2 % plus de risque de mourir.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’UNIVERSITÉ HARVARD

Subu V. Subramanian, épidémiologiste de l’Université Harvard

Jumeaux danois

La réfutation récente de l’étude de 1991 a été faite par Subu V. Subramanian, épidémiologiste de l’Université Harvard, avec des chercheurs de Microsoft qui ont simulé les taux de mortalité qu’auraient eus les gauchers d’antan s’ils n’avaient pas été forcés d’être droitiers. « L’étude de 1991 était purement observationnelle, mais affirmait qu’il y avait des liens de causalité », dit M. Subramanian, qui a publié son étude l’été dernier dans la revue Archives of Public Health. « Nous montrons que même l’association observationnelle n’était pas solide », parce que les auteurs de l’étude de 1991 n’ont pas tenu compte de l’ostracisme contre les gauchers.

Olga Basso, épidémiologiste de l’Université McGill, qui a publié son étude de 2000 dans la revue Epidemiology alors qu’elle travaillait à l’Université d’Aarhus au Danemark, avait analysé 118 paires de jumeaux danois nés entre 1900 et 1910. Chaque paire de jumeaux comportait un droitier et un gaucher et aucun impact de cette variable sur la mortalité n’avait été observé.

Il est possible qu’il existe, dans certaines sous-populations, un risque de mortalité plus grand chez les gauchers, selon M. Subramanian. « Nous n’avons pas vérifié ce qui se passait dans différents groupes ethniques et selon le genre. Il n’y a pas de données sur le sujet. Mais en moyenne, il n’y a pas d’effet d’être gauche ou droitier sur le risque de mortalité. »

L’un des chercheurs les plus prolifiques du domaine, Chris McManus, du Collège universitaire de Londres, est aujourd’hui à la retraite. En 2010, dans la revue Laterality, il montrait que la guerre aux gauchers, du moins en Occident, avait été un phénomène s’étendant sur trois siècles. Avant le XVIIIsiècle, les taux de gauchers tournaient autour de 10 %, comme aujourd’hui. Au début du XXsiècle, ils avaient connu un taux de seulement 2 %.

La plus grande étude sur le sujet, publiée en 1994 dans Behavior Genetics par des chercheurs américains, utilisait des données de 32 pays pour en arriver à une proportion de gauchers de 9,5 %.

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  • 9,8 %
    Proportion de gauchers au Canada en 1994
    Source : Behavior Genetics