(À bord de l’ARC Simon Bolivar) Dans la mer glacée de l’Antarctique, la scientifique colombienne Andrea Bonilla capture avec son appareil photo la queue d’une baleine à bosse, équivalent chez l’être humain de son empreinte digitale.

Avec d’autres scientifiques, elle travaille depuis 2014 à l’élaboration d’un catalogue basé sur l’analyse visuelle des nageoires caudales de ces grands cétacés qui peuvent mesurer jusqu’à 18 mètres de long et peser jusqu’à 40 tonnes.  

« Ce que nous faisons, c’est suivre l’histoire de chaque individu », explique à l’AFP la chercheuse de l’université américaine Cornell à bord de l’ARC Simon Bolivar, un navire de la marine colombienne.

Son équipe a identifié 70 baleines au fil des ans et espère retrouver la trace de certaines d’entre elles afin d’étudier leur évolution, leurs déplacements ou encore leur croissance.

PHOTO JUAN BARRETO, AGENCE FRANCE-PRESSE

Andrea Bonilla

« La coloration et les motifs de (la queue) de chaque baleine sont uniques, c’est comme une empreinte digitale, donc ce que nous faisons c’est regarder les différentes marques qu’elles ont, les différentes cicatrices, et sur la base de cela et de la coloration, nous pouvons savoir précisément de quel individu il s’agit », explique à l’AFP Andrea Bonilla.  

Menacé d’extinction pendant des années en raison de la pêche commerciale, le mammifère bénéficie depuis 1985 d’une interdiction internationale de chasse, ce qui a permis à sa population de se reconstituer.

Aujourd’hui, les baleines à bosse seraient 84 000 dans le monde, selon la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature.

Une étude parue fin février dans la revue Royal Society Open Science a cependant révélé qu’elles souffraient, outre des collisions avec les navires et de la pollution sonore, des effets du changement climatique qui altère les écosystèmes marins et la disponibilité des proies.

Carte continentale

Entre 2012 et 2021, le nombre de baleines à bosse a chuté de 20 % dans le Pacifique Nord, passant de 33 000 individus à un peu plus de 26 600, selon cette étude qui s’est appuyée sur le plus grand ensemble de données de photo-identification jamais créé pour un grand mammifère marin.

L’identification photographique est courante dans l’étude des mammifères marins, bien que l’identification de la nageoire caudale soit plus utilisée avec les baleines à bosse en raison de leurs marques uniques et de leur habitude à sortir la queue de l’eau en plongeant.

L’espèce migre sur de très longues distances entre les zones de reproduction plus chaudes et les zones riches en aliments dans les régions froides.

« Elles profitent de cette grande biomasse de nourriture qui se trouve ici (en Antarctique) et, pendant plusieurs mois, elles ne font qu’accumuler de l’énergie », explique Mme Bonilla.

PHOTO JUAN BARRETO, AGENCE FRANCE-PRESSE

Andrea Bonilla et Diego Mojica

À partir du mois de mai, « elles commencent à remonter vers des zones plus tropicales » et connaissent une période de « jeûne » d’environ six mois, poursuit-elle.  

À l’intérieur de l’ARC Simon Bolivar, elle utilise un programme d’édition d’images pour recadrer les photos et zoomer sur les détails.

À partir des photos prises, elle dessine aussi sur papier les détails des queues photographiées.  

L’objectif des scientifiques colombiens est de constituer un vaste catalogue des baleines à bosse afin de le comparer à ceux existant dans « d’autres zones de reproduction » et de consolider une carte continentale afin de mettre ensuite en place des initiatives de conservation.  

« Si une baleine vient toujours dans la même zone pour se reproduire, il est important de protéger ces zones. Si elles disparaissent ou sont perturbées, la baleine n’aura plus d’endroit où aller », prévient Andrea Bonilla.