Notre journaliste assiste à Denver à la réunion annuelle de l’Association américaine pour l’avancement des sciences (AAAS), la plus grande rencontre de science généraliste au monde.

(Denver) Le traité de l’ONU sur l’espace date de 1967. Il est particulièrement inadéquat pour réglementer le boom lunaire qui s’annonce, selon une juriste d’un prestigieux centre de recherche sur le droit de l’espace qui présente une conférence à la réunion de l’AAAS.

« L’industrie spatiale s’oppose à toute réglementation supplémentaire », explique en entrevue Michelle Hanlon, de l’Université du Mississippi, qui est la fondatrice de For All Moonkind, une ONG de préservation des sites des missions lunaires. « Les États-Unis réglementent bien les lancements de satellites. Mais on craint que toute réglementation supplémentaire n’avantage les firmes des autres pays. »

En 2018, la firme américaine Swarm avait lancé quatre microsatellites de télécommunication depuis l’Inde après le refus des autorités américaines d’autoriser leur lancement, de crainte qu’ils ne soient trop petits pour être suivis depuis la Terre. À la suite d’une amende de près de 1 million US, Swarm était rentrée dans le rang pour ses autres lancements, mais le précédent avait montré la fragilité du système, selon Mme Hanlon.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’UNIVERSITÉ DU MISSISSIPPI

La fondatrice de l’ONG For All Moonkind et professeure à l’Université du Mississippi Michelle Hanlon

L’objectif primordial du traité sur l’espace était d’éviter que des armes nucléaires soient déployées dans l’espace. Que la guerre froide ne s’étende pas sur la Lune. Il y a donc peu de procédures applicables aux litiges civils.

Michelle Hanlon, fondatrice de l’ONG For All Moonkind

Le traité sur l’espace a été signé en premier lieu par l’URSS, les États-Unis et le Royaume-Uni. Plus d’une centaine de pays l’ont signé.

« Avec les multiples plans de missions privées vers la Lune, les bases lunaires américaine et chinoise, nous entrons dans une nouvelle phase de l’exploration lunaire, dit Mme Hanlon. Les négociateurs du traité en 1967 n’auraient pas pu prévoir les projets d’exploitation minière de la Lune et des astéroïdes, de construction industrielle en orbite, de tourisme spatial. En théorie, le droit international s’applique à l’exploration et à l’utilisation de l’espace, mais cela n’a jamais été mis à l’épreuve sur le plan juridique. »

UNESCO et UNCLOS

Quelles sont les autres avenues pour réglementer le secteur spatial privé ? « L’idéal serait un nouveau traité sur l’espace. Mais avec les tensions internationales actuelles, il est peu probable que ce soit possible. »

Certains évoquent l’application du droit de la mer, codifiée par la Convention de l’ONU sur le droit de la mer (UNCLOS). « Mais le droit de la mer est fondé sur des siècles de tradition, dit Mme Hanlon. Le domaine spatial est trop récent pour avoir des traditions bien ancrées. »

Une autre possibilité est l’UNESCO. « Le traité de l’UNESCO est reconnu par 193 pays et vise à préserver le patrimoine de l’humanité. Selon certaines interprétations, un article du traité, qui rend chaque État responsable des activités de ses citoyens et des dommages qu’ils causent, pourrait s’appliquer à l’espace. »

ILLUSTRATION TIRÉE DU SITE WEB DE LA NASA

Image illustrant des activités minières sur la Lune

Face à ces incertitudes juridiques, le droit de l’espace est en ébullition. « Il y a quatre grands centres de droit de l’espace dans le monde, aux Pays-Bas et aux universités du Mississippi, du Nebraska et McGill à Montréal, dit Mme Hanlon. J’ai moi-même étudié à McGill, qui bénéficie de la proximité de l’Organisation de l’aviation civile internationale [OACI]. »

Cendres sur la Lune

Les États-Unis aussi souffrent d’une paralysie du droit de l’espace. « Le président [Barack] Obama en 2015 a réussi à faire passer une loi sur le commerce dans l’espace qui prévoit que personne ne peut prendre possession d’un astéroïde, mais que quiconque peut en exploiter les ressources, dit Mme Hanlon. En 2020, la NASA a attribué des contrats à des entreprises privées pour qu’elles rapportent sur Terre de la poussière lunaire. C’est en quelque sorte la consécration du laisser-faire, même si c’est un premier pas vers la réglementation de l’espace. Mais depuis, il n’y a pas eu de progrès, à cause de la dysfonction partisane du Congrès. Certains veulent que les activités commerciales des entreprises américaines dans l’espace soient réglementées par les autorités aéronautiques, la FAA, d’autres par le département du Commerce. »

Les récentes protestations de communautés autochtones face au projet de la mission privée Peregrine de déposer sur la Lune les cendres d’humains illustrent bien les conséquences de cette inaction.

« En 1998, la mission Lunar Prospector avait déposé des cendres sur la Lune, dit Mme Hanlon [celles du planétologue Eugene Shoemaker]. Des groupes autochtones avaient condamné ce qui pour eux était une profanation d’un astre sacré. La NASA avait promis de consulter les Autochtones si un autre projet du genre voyait le jour. Mais aucune consultation n’a eu lieu avant Peregrine parce que c’était un projet privé, même si le financement venait de la NASA. » Peregrine a échoué en janvier avant même d’atteindre la Lune, à cause d’une fuite de carburant.

Le printemps dernier, une consultation de la NASA sur les projets actuels d’exploration lunaire a eu lieu à Washington. Mme Hanlon y a participé, tout comme la firme américaine autochtone United First Nations Planetary Defense, qui vise à favoriser la participation autochtone dans l’exploration spatiale. « Peregrine a été discutée dans cette consultation. Les groupes autochtones étaient au courant. Il est tout de même étonnant qu’ils aient attendu deux semaines avant le lancement de la mission pour faire connaître leur indignation. S’ils avaient vraiment voulu discuter des cendres sur la Lune, il aurait mieux valu en parler à la NASA avant plutôt que d’alerter les médias à la dernière minute. Comme toujours, des questions juridiques importantes concernant l’espace sont utilisées à des fins de gain politique à court terme sur Terre. Pendant ce temps, le droit de l’espace ne progresse pas. »

Des mines d’hydrogène ?

Oubliez l’hydrogène vert et l’hydrogène bleu : l’avenir est à l’exploitation de gisements d’hydrogène gazeux. Le premier gisement a été découvert au Mali en 2012 et son exploitation commerciale vient de commencer. La Commission géologique américaine va publier plus tard cette année une étude estimant à 1000 milliards de tonnes les gisements exploitables d’hydrogène gazeux de la planète, dévoile une séance de la réunion de l’AAAS. Cela devrait permettre de totalement remplacer l’hydrogène produit à partir d’hydrocarbures, notamment pour fabriquer des engrais.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DU CNRS

Le Conseil national de recherche scientifique (CNRS) de la France a lancé une prospection d’hydrogène gazeux sous les anciennes mines de charbon de Lorraine.

Pas de COVID longue au football

Les joueurs de football de la NFL qui ont eu la COVID-19 n’ont pas eu moins de succès après avoir guéri, selon une étude de l’Université Drexel, à Philadelphie, dévoilée à la réunion de l’AAAS. C’est un mystère puisque la COVID longue survient dans 10 % à 30 % des cas dans la population générale. Plus de 250 cas de COVID-19 dans la NFL au cours de deux saisons ont été analysés. Les chercheurs avancent que l’activité physique protège contre la COVID longue.

PHOTO ADAM HUNGER, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le match du Super Bowl LVIII opposant les Chiefs de Kansas City aux 49ers de San Francisco, le 11 février dernier

L’attention des adolescents

Près du tiers des adolescents canadiens dorment moins de huit heures par nuit, selon une étude de 2016. Ils s’exposent à des problèmes d’attention et de planification, selon une étude de chercheurs de l’Académie des sciences de Caroline du Nord présentée à la réunion de l’AAAS. Par rapport à six heures de sommeil, une nuit de huit heures augmente la capacité d’attention des adolescents de 17 à 33 % et leur capacité de suivre un plan préétabli, de 37 %. Pourtant, ce manque de sommeil ne cause pas de changements dans les échelles de mesure de la santé mentale ou physique. Les chercheurs proposent d’ajouter un volet cognitif aux questionnaires de santé mentale pour les adolescents.

PHOTO WIKIMEDIA COMMONS

Le manque de sommeil diminue du tiers la capacité d’attention et de planification des adolescents.

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    Nombre de lancements spatiaux en 2000
    Source : NASA
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    Nombre de lancements spatiaux en 2023
    Source : NASA