Le second lancement de la fusée géante de SpaceX destinée aux vols vers la Lune et Mars marque un progrès

(South Padre Island, Texas) SpaceX, la société de vols spatiaux d’Elon Musk, a fait décoller samedi son lanceur super-lourd Starship de la côte du sud du Texas, une fusée gigantesque qui pourrait modifier le cours de l’avenir du transport spatial et aider la NASA à renvoyer des astronautes sur la Lune.

Le vol de Starship, un puissant lanceur conçu pour transporter les astronautes de la NASA sur la Lune, n’a pas été une réussite totale. SpaceX n’a pas atteint l’objectif ultime du lancement test, à savoir un tour du monde partiel se terminant par un amerrissage dans le Pacifique.

Mais ce vol d’essai, le deuxième du lanceur, a montré que la société avait résolu les principaux problèmes apparus lors de l’opération d’essai précédente en avril. Les 33 moteurs de l’étage inférieur du lanceur se sont tous allumés et la fusée est parvenue à se séparer, c’est-à-dire à se détacher du propulseur d’appoint et à allumer les six moteurs de l’étage supérieur pour pousser le véhicule dans l’espace.

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Décollage de Starship de la côte du sud du Texas

« Tout simplement magnifique », a lancé John Insprucker, ingénieur chez SpaceX et commentateur du lancement en direct, lors de la retransmission sur le web de SpaceX.

Le premier lancement de Starship avait gravement endommagé le site de lancement : plusieurs moteurs du propulseur d’appoint étaient tombés en panne, des incendies avaient fait dévier le lanceur de sa trajectoire et le système de fin de vol avait mis trop de temps à détoner.

Selon l’approche de SpaceX, qui consiste à « échouer rapidement pour apprendre plus vite » en matière de conception de fusées, éviter de répéter les échecs passés constitue un progrès majeur.

Toutefois, le deuxième vol a mis au jour les nouveaux défis que les ingénieurs de Musk devront relever.

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Un panache de fumée se forme alors que la fusée se sépare.

Peu après la séparation de l’étage, le propulseur d’appoint a explosé – une « dislocation rapide non programmée », selon le jargon des ingénieurs en fusées. Le vaisseau spatial Starship à l’étage supérieur a continué à se diriger vers l’orbite pendant plusieurs minutes, atteignant une altitude de plus de 1500 mètres, mais SpaceX a perdu le contact avec lui après l’explosion du système de fin de vol.

Dans un communiqué, l’administration fédérale de l’aviation a indiqué qu’aucun blessé ni dégât matériel n’avait été signalé. Elle mènera une enquête sur l’accident, comme c’est le cas chaque fois qu’un problème survient avec une fusée commerciale.

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Le grand patron de SpaceX, Elon Musk, le 2 novembre

L’issue du voyage d’essai marque le plus récent instantané dans la carrière d’Elon Musk, entrepreneur en série qui a transformé les paiements électroniques avec PayPal et les voitures électriques avec Tesla. Alors que SpaceX se préparait pour le vol de vendredi, Disney et Apple ont interrompu leurs dépenses publicitaires avec une autre de ses entreprises, le réseau social X, après que M. Musk eut approuvé un message antisémite mercredi.

« Plus loin que jamais »

De nombreux observateurs extérieurs sont optimistes et pensent que SpaceX parviendra à faire fonctionner pleinement Starship.

« Ils ont résolu les problèmes cernés lors de leur premier vol et sont allés plus loin que jamais avec ce type de véhicule », a noté Phil Larson, conseiller spatial de la Maison-Blanche sous l’administration du président Barack Obama, qui s’est depuis joint aux efforts de communication de SpaceX.

Ce qui rend le génie magique, c’est le fait qu’il s’agit d’apprendre, d’itérer la conception et de revoler bientôt.

Phil Larson, de l’équipe de communication de SpaceX

Daniel L. Dumbacher, directeur général de l’American Institute of Aeronautics and Astronautics, est du même avis. « Il s’agit d’un système de lancement de grande envergure, dit-il. Il faudra du travail pour l’amener là où il doit aller. Je ne doute pas que l’équipe de SpaceX sera en mesure de trouver un moyen de faire fonctionner le lanceur. »

Samedi, quelques heures avant le lever du soleil, l’oxygène et le méthane liquides ont commencé à s’écouler dans le vaisseau spatial. Il y avait un peu de brouillard au sol, mais le ciel était dégagé, hormis quelques cirrus.

Le compte à rebours s’est déroulé sans encombre et s’est arrêté à un point d’arrêt prévu, alors qu’il restait 40 secondes à l’horloge. Le compte à rebours a été levé, les dernières secondes se sont écoulées et, peu après 7 h (heure locale), la fusée de 120 mètres de haut s’est lentement élevée dans le ciel. Un nouveau système de déluge d’eau semble avoir protégé le pas de tir, évitant le nuage de poussière et de débris qui s’était élevé en avril.

Quelques secondes plus tard, le rugissement percutant a secoué les spectateurs de South Padre Island, à environ 8 km au nord du site de lancement.

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La mégafusée Starship franchissant le mur du son

Puis, 2 minutes et 48 secondes après le décollage, un éclair est apparu lorsque Starship a franchi avec succès ce qui devait être l’étape la plus délicate du vol : l’allumage des six moteurs de l’étage supérieur avant que le propulseur d’appoint ne se détache. Des applaudissements nourris ont retenti sur la webdiffusion de SpaceX, depuis le siège de la société à Hawthorne, en Californie.

Trente secondes plus tard, l’explosion du propulseur d’appoint, qui devait s’abîmer dans le golfe du Mexique et couler, a provoqué un flash plus important. L’étage supérieur a poursuivi sa route, indemne. Mais quelques minutes plus tard, la webdiffusion est tombée dans un silence inconfortable lorsque le contact a été perdu avec le lanceur Starship.

Vers la première femme sur la Lune

Les milliers de personnes qui s’étaient levées tôt pour assister au lancement à South Padre Island ont déclaré avoir apprécié le spectacle. Dès 4 h 30, une longue file de voitures attendait dans l’obscurité pour entrer dans le parc Isla Blanca, à l’extrémité sud de South Padre Island. D’autres ont quitté leur hôtel à pied pour éviter la circulation. Des bateaux remplis d’observateurs flottaient juste au sud, en dehors de la zone d’exclusion à l’est.

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Un homme prépare son télescope quelques heures avant le décollage de Starship, au lever du soleil.

Le lancement a été vécu non seulement par ceux qui regardaient le long de la côte, mais aussi par ceux qui se trouvaient plus loin.

Emma Guevara, une habitante de Brownsville, la ville du sud du Texas située à l’ouest du site de lancement de SpaceX, a déclaré que sa maison avait tremblé.

« C’était bien plus tôt que ce à quoi nous nous attendions, et cela a réveillé tout le monde », a déclaré Mme Guevara, qui est une organisatrice du Sierra Club, une ONG écologiste, et qui a manifesté contre les opérations menées sur la base de l’entreprise.

De hauts responsables de la NASA ont félicité SpaceX.

« Chaque test représente un pas de plus vers l’envoi de la première femme sur la Lune avec le système d’atterrissage humain #Artemis III Starship », a écrit Jim Free, administrateur associé de la NASA pour le développement des systèmes d’exploration, sur X. « Nous sommes impatients de voir ce que nous pouvons apprendre de ce test qui nous rapproche de la prochaine étape. »

Le rythme auquel SpaceX résoudra les problèmes liés à Starship pourrait déterminer le moment où les astronautes de la NASA retourneront sur la Lune.

L’agence spatiale a engagé SpaceX pour adapter Starship et en faire un atterrisseur lunaire afin de transporter deux astronautes dans les régions polaires sud de la Lune. Avant même le dernier vol d’essai de Starship, le premier atterrissage, prévu pour la fin de 2025, avait déjà été considéré comme susceptible d’être reporté à 2026. SpaceX est également sous contrat pour fournir un atterrisseur Starship pour le deuxième alunissage en équipage, prévu pour 2028.

Pour l’alunissage, SpaceX aurait besoin non pas d’un seul lanceur Starship, mais de près de 20, car un Starship se dirigeant vers la Lune devrait remplir ses réservoirs de propergol avant de quitter l’orbite terrestre.