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Pourquoi le marquage des lignes sur les routes ne dure jamais longtemps ?

Luc Rufiange

« Le marquage ne dure que six à huit mois sur les routes fortement sollicitées », explique Michèle St-Jacques, ingénieure civile à l’École de technologie supérieure. « Depuis 2012, on doit utiliser de la peinture à l’eau pour limiter les émissions de composés organiques volatiles [COV] associées aux peintures alkydes. » Avant l’interdiction, le marquage routier alkyde durait plus longtemps.

Plus précisément, un règlement fédéral imposé à l’époque interdit aux entrepreneurs d’utiliser toute peinture de marquage dont la concentration en COV est supérieure à 150 grammes par litre, entre le 1er mai et le 15 octobre. Adopté pour des raisons surtout environnementales, ce règlement limite également la concentration en COV à 450 g/L pour les peintures pouvant être utilisées par temps froid, entre le 15 octobre et le 1er mai.

En 2008, Mme St-Jacques a écrit un rapport sur la durabilité des différentes peintures de marquage utilisées dans les pays riches, pour le ministère des Transports du Québec (MTQ).

Personne n’a trouvé de solution au problème de la durabilité du marquage routier à base d’eau. On a mis au point des peintures alkydes émettant peu de COV, mais elles durent encore moins longtemps que les peintures à l’eau.

Michèle St-Jacques, ingénieure civile à l’École de technologie supérieure

Même si l’objectif est louable, « on voit aujourd’hui que les nouvelles peintures sur le marché ne durent pas aussi longtemps », corrobore l’expert en planification des transports à l’Université de Montréal Pierre Barrieau. « On est passés d’environ deux à trois ans de résistance », à moins d’un an, selon les secteurs, estime-t-il. « Sauf que pendant ce temps, les budgets n’ont pas triplé. Il y a un déséquilibre qui est là. »

Des études scandinaves ont montré que des « thermoplastiques », soit des peintures plastifiées émettant peu de COV, durent plus longtemps. « Ils sont utilisés notamment dans certains États américains et dans des pays nordiques », dit Mme St-Jacques. Par contre, les produits thermoplastiques sont en relief, et donc plus sensibles aux opérations de déneigement.

PHOTO FOURNIE PAR LE MINISTÈRE DES TRANSPORTS DU QUÉBEC

La peinture jaune réfléchit moins bien la lumière que la blanche.

Un problème international

Les autres provinces ou les États américains qui ont un hiver comparable au nôtre font-ils mieux ? « Non, le problème est vraiment international. Même en Scandinavie, ils ont des problèmes. Partout, on fait le marquage à l’automne pour que la qualité soit bonne durant l’hiver, parce qu’on a besoin à ce moment de plus de contraste dans le marquage. »

La peinture jaune réfléchit un peu moins bien la lumière que la blanche. La palme de la courte durée de vie va à la peinture orange, utilisée pour les chantiers de construction. « Des représentants du MTQ m’ont dit qu’elle pouvait être de seulement un mois sur une route fortement sollicitée, dit Mme St-Jacques. C’est une question de chimie. »

Le MTQ a par ailleurs développé des outils technologiques d’imagerie pour vérifier la réflectivité du marquage routier, afin de détecter les endroits à repeindre plus tôt ou qui peuvent être repeints plus tard que prévu.

La chaleur, l’humidité et la propreté de la route lors du marquage influencent sa durabilité. « Il ne faut pas qu’il pleuve et il faut bien nettoyer la route avant le marquage », dit Mme St-Jacques. Une autre information capitale est l’épaisseur des lignes. Si elle n’est pas indiquée dans les plans et devis, un entrepreneur pourrait utiliser le minimum requis par le MTQ pour économiser la peinture.

Des plaintes en hausse à Montréal

À Montréal, comme dans plusieurs autres municipalités, le nombre de plaintes, requêtes ou demandes en lien avec le marquage routier suit une tendance à la hausse, après une baisse liée à la pandémie.

Il faut dire que la Direction de l’entretien de l’éclairage, de la signalisation et du marquage de la chaussée (EESM) fait face depuis quelques années à une « augmentation substantielle du marquage de la chaussée », fait valoir le porte-parole de la Ville, Hugo Bourgoin. « Que ce soit pour les nouveaux aménagements cyclables ou encore dans le cadre de mesures de sécurisation, comme des marquages de passages écoliers, des chaussées rétrécies par marquage ou du marquage de dos d’âne par exemple, l’EESM a vu sa quantité de marquage croître considérablement », avance M. Bourgoin.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Les équipements de déneigement usent le marquage au sol.

Le défi de l’hiver

Pour le MTQ, qui gère un réseau de 90 000 kilomètres de lignes au Québec, l’entretien hivernal est « l’élément ayant le plus d’incidence sur la diminution du taux de présence, la durabilité et la visibilité de nuit, ou rétroflexion, du marquage routier », affirme sa porte-parole, Émilie Lord.

« Les équipements de déneigement et l’épandage de sel et d’abrasifs usent le marquage au sol. Par conséquent, le printemps est la période où le marquage est le moins présent sur le réseau routier », dit-elle. Le Ministère dit toutefois viser une « amélioration constante de la présence et de la visibilité du marquage ».

Marquage « incrusté »

Sur les routes où plus de 50 000 véhicules par jour circulent, par exemple, le marquage est « incrusté », en ce sens qu’il est rainuré mécaniquement dans la chaussée, le protégeant du déneigement et du passage des véhicules.

Pour les nouvelles chaussées de béton, le contraste entre le marquage et la surface de la chaussée est « accentué » en utilisant un produit à base de résine époxydique bicouche. On utilise également ce type de peinture pour rafraîchir les lignes au sol dans des secteurs très sollicités par la circulation automobile.

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  • 3,5 millions
    Quantité de peinture, en litres, utilisée chaque année par le ministère des Transports du Québec
    Source : École de technologie supérieure