Le nombre de laboratoires qui manipulent les pathogènes les plus dangereux augmente en flèche, surtout dans des pays asiatiques ayant moins de réglementation. Cette conclusion d’une étude, publiée début mars, ravive les inquiétudes alors que la possibilité que la COVID-19 soit née à cause d’un accident dans un laboratoire chinois ressurgit.

« Nous avons lancé ce rapport au début de la pandémie, parce qu’il y avait beaucoup de questions sur l’origine de la COVID-19 », explique Gregory Koblentz, de l’Université George Mason, en banlieue de Washington, coauteur du Global Biolabs Report. « Notre deuxième édition montre que le problème s’aggrave par rapport à 2021. »

En deux ans, le nombre de laboratoires BSL4 (qui manipulent les pathogènes les plus dangereux) est passé de 47 à 51 – et 18 autres sont en construction ou planifiés. L’Asie connaîtra la plus forte croissance, avec neuf laboratoires en fonction et 11 en construction. « En Inde, où la réglementation sur la biosécurité est moins stricte, il y a deux labos BSL4 et quatre autres qui sont planifiés », dit M. Koblentz.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’UNIVERSITÉ GEORGE MASON

Gregory Koblentz, professeur à l’Université George Mason et coauteur du Global Biolabs Report

En 2000, il y avait une douzaine de labos BSL4 dans le monde, un nombre qui a grimpé à 25 en 2010. « Il y a eu une augmentation après les attentats du 11-Septembre, à cause de la crainte de bioterrorisme, et aussi après le SRAS de 2003 à Hong Kong », selon M. Koblentz. Deux laboratoires BSL4 sont planifiés en Arabie saoudite et au Kazakhstan.

Au Canada, il existe deux laboratoires BSL4 à Winnipeg et un autre en construction, à l’Université de la Saskatchewan.

Le Canada est le pays qui fait le mieux en termes de biosécurité. Il y a un organisme de surveillance unique et une réglementation robuste sur le double usage, civil et militaire, des agents infectieux étudiés.

Gregory Koblentz, professeur à l’Université George Mason et coauteur du Global Biolabs Report

Le Canada obtient 46 sur 48 au bulletin de biosécurité, contre 42 pour les États-Unis.

BSL3 amélioré

Le phénomène le plus inquiétant, selon M. Koblentz, est celui des « BSL3 améliorés » ou BSL3+. « Il s’agit de laboratoires de niveau BSL3, où on ajoute des éléments de biosécurité pour faire des tests de gain de fonction et où on manipule les microbes pour les rendre plus dangereux afin d’élaborer des parades, explique M. Koblentz. Mais il n’y a pas de directives claires sur ces améliorations de biosécurité. Et surtout, aucune étude n’a été faite pour vérifier qu’ils améliorent vraiment la biosécurité. Chaque labo, et parfois chaque chercheur, fixe ses propres paramètres. »

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’UNIVERSITÉ STANFORD

Des chercheurs en tenue de BSL3+ à l’Université Stanford en Californie

Ces laboratoires sont intéressants parce qu’ils sont plus rapides à mettre en œuvre. Il y en a 57 actuellement dans le monde et deux autres en construction.

Les microbes les plus virulents, comme l’Ebola, demeurent la chasse gardée des BSL4. Les chercheurs y travaillent dans des combinaisons encombrantes, branchées à un apport d’air extérieur. « Ça prend du temps pour apprendre à bien travailler dans une combinaison BSL4, dit M. Koblentz. Dans les BSL3+, on utilise des respirateurs avec filtre et de simples combinaisons de Tyvek. » Ces filtres sont cependant très étanches, ce qui signifie qu’ils doivent être motorisés parce que sinon, la respiration serait trop difficile.

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Un respirateur-purificateur motorisé utilisé dans les laboratoires BSL3+

Les seules recommandations portant sur les BSL3+ sont américaines et facultatives. M. Koblentz pense que l’Organisation mondiale de la santé devrait les inclure dans la prochaine version de son manuel pour les laboratoires de biosécurité. « À mon avis, il y en aura une cinquième dans quelques années, à cause des leçons de la pandémie. »

L’autre lacune des recommandations de biosécurité porte sur la cueillette des échantillons animaux et environnementaux sur le terrain. « Il y a des risques d’infection très grands en ce moment », dit M. Koblentz.

À la mi-mars, une étude franco-américaine a remis en question la piste du laboratoire BSL4 de Wuhan comme origine de la COVID-19, parce qu’une version animale du virus a été détectée dans un chien viverrin (une espèce sauvage ressemblant à un raton laveur) au marché de Wuhan.

En savoir plus
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    Nombre de pays ayant un laboratoire BSL4. Le niveau 4 est réservé à des pathogènes très dangereux, comme l’Ebola, et nécessite le port d’une combinaison très résistante, alimentée en air de l’extérieur.
    SOURCE : GLOBAL BIOLABS REPORT
  • 7
    Nombre de pays sans laboratoire BSL4, qui vont en construire.
    SOURCE : GLOBAL BIOLABS REPORT