Le premier projet québécois de réduction des microplastiques dans l’eau a un bilan mitigé : les filtres pour laveuses à linge ont permis de réduire du quart la pollution par microplastiques des ménages impliqués, mais la moitié d’entre eux ont abandonné après l’essai parce que le nettoyage du filtre était trop compliqué.

« Je pense qu’il faudra probablement une réingénierie des laveuses pour incorporer le filtre dès la conception », a expliqué Dominique Claveau-Mallet, l’ingénieure civile de Polytechnique qui chapeaute l’essai, en conférence de presse mercredi matin. « On a des filtres pour la charpie dans les sécheuses, on pourrait en avoir dans les laveuses. C’est pour cette raison qu’il faut faire de la science citoyenne : pour comprendre comment vont fonctionner les technologies dans la réalité. »

De nombreuses études montrent que les microfibres qui se détachent des vêtements durant leur lavage représentent du quart au tiers des microplastiques présents dans l’environnement et pourraient avoir des effets délétères sur la faune.

Face à ce problème, la France a décidé l’an dernier d’interdire dès 2025 la vente de laveuses dépourvues de filtres à microplastiques. L’industrie rétorque que ces filtres vont augmenter la consommation d’eau et d’énergie.

Une réduction de 16 grammes par an par ménage

Une trentaine de familles montréalaises ont fait l’essai du filtre à microplastiques, conçu par une entreprise de Nouvelle-Écosse, pendant six mois en 2021. Les chercheurs de Polytechnique ont calculé qu’annuellement, un tel filtre permettrait une réduction de 16 grammes de la quantité de microplastiques envoyée chaque année par une famille dans le système de traitement de l’eau.

Au départ, Mme Claveau-Mallet estimait l’efficacité du filtre à 87 % pour l’enlèvement des microfibres, alors que l’Association des fabricants d’électroménagers (AHAM) fixait plutôt l’efficacité de ce type de filtres à 26 %. Qui a raison ?

Les chiffres de l’industrie sont probablement bons. Le problème, c’est qu’il faut vider le filtre de temps à autre, et ce n’est pas nécessairement facile.

Dominique Claveau-Mallet, professeure adjointe au département des génies civil, géologique et des mines de Polytechnique

Lors de l’essai, le filtre devait être nettoyé après sept lavages. Le mélange de microfibres et de microplastiques finissait par former une « soupe grise », qu’il fallait filtrer. « J’ai utilisé un morceau de tissu, certains un filtre à café ou un bas de nylon, dit Mme Claveau-Mallet. On ne pouvait évidemment pas vider le filtre dans le lavabo. »

Ensuite, il fallait attendre que le contenu du filtre sèche et forme une « charpie ». Cette charpie était analysée par les chercheurs de Polytechnique.

Abandons et désagréments

« Certains participants ont rapporté des odeurs, parfois sur leurs vêtements, dit Mme Claveau-Mallet. Une famille avait des couches lavables et ce n’était pas compatible avec le filtre, il y avait trop de matières organiques. Et 20 % des participants ont dû demander l’aide d’un plombier pour installer le filtre. »

Environ la moitié des participants ont abandonné le filtre après l’essai, même s’il s’agissait de gens « motivés », selon l’ingénieure de Polytechnique.

Détail intéressant, les participants au projet utilisaient en moyenne de l’eau tiède, malgré leurs convictions environnementales.

Mais Yvonne Bourque, une participante au projet qui était présente à Polytechnique mercredi matin, était enchantée de son expérience. Elle veut d’ailleurs répandre la bonne nouvelle sur le groupe Facebook West Island Zero Waste et aider son fils à installer un filtre à laveuse. « À 9 ans, j’ai déménagé à Sudbury, qui à l’époque était très pollué, alors j’ai été marquée par ce problème », a dit Mme Bourque.

Le filtre coûte 260 $, mais ils ont été remis gratuitement aux participants. Le Groupe de recommandations et d’actions pour un meilleur environnement (GRAME), qui organisait la logistique de l’essai, a depuis vendu 150 autres filtres grâce à des subventions.

Mme Claveau-Mallet a depuis lancé un projet de retrait des microplastiques dans les usines de traitement des eaux à Laval, Longueuil et Repentigny, en collaboration avec un distributeur de technologies de ce domaine, Claro.

Une version antérieure de ce texte identifiait erronément l'entreprise Claro sous le nom de Claveau.

En savoir plus
  • 0,04 gramme
    Quantité de microfibres générées par le lavage d’un kilo de vêtements
    Source : Polytechnique Montréal
  • 12,8 tonnes
    Quantité annuelle de microplastiques qui ne seraient pas relâchés dans les eaux usées si tous les Montréalais avaient un tel filtre installé sur leur laveuse
    Source : Polytechnique Montréal