Le cratère de Mistastin, au Labrador, pourrait donner des renseignements vitaux aux futurs astronautes de la mission lunaire Artémis, croit un expert canadien.

Les scientifiques avaient déterminé, au milieu des années 1970, que ce cratère météoritique avait des propriétés lunaires, mais déjà, les astronautes d’Apollo avaient accompli une dernière mission. Il était alors trop tard pour qu’ils puissent profiter de l’endroit pour s’entraîner.

Le professeur Gordon Osinski, du département des sciences de la Terre à l’Université Western Ontario, dit qu’il s’agit d’un cratère d’impact.

Un cratère d’impact est créé lorsqu’un astéroïde ou un météorite s’écrase sur la Terre, il y a environ 36 millions d’années. L’onde de choc lui a fait perdre une partie de la masse et provoqué une cristallisation. Une des particularités du cratère de Mistastin, souligne le Pr Osinski, c’est qu’il est formé d’anorthosite, une pierre pâle réfléchissante que l’on retrouve dans les terres lunaires.

« C’est pour cela que le cratère serait l’un des meilleurs sites d’entraînement pour les astronautes d’Artémis, dit-il. Je souhaite que chaque astronaute qui marchera sur la Lune au cours des prochaines années ait visité le cratère d’impact au Labrador à cause de ces attributs. »

En 2025, la mission Artémis III doit amener des astronautes explorer pour la première fois le pôle Sud lunaire.

Le cratère, qui forme un lac aussi nommé Kamestastin, est situé sur un territoire de chasse traditionnel de la Première Nation Mushuau Innu. George Rich, membre de la Première Nation, dit que les scientifiques seront bien accueillis à condition qu’ils demandent la permission d’être là.

Une porte-parole de l’Agence spatiale canadienne indique qu’aucune décision n’a encore été prise au sujet de l’entraînement des astronautes.

« Nous serons heureux d’appuyer de tels endroits lorsque le moment viendra », écrit Sarah Berjaoui.

Les astronautes d’Apollo s’entraînaient dans un cratère en Arizona, dont le diamètre ne dépassait pas un kilomètre. Celui de Mistastin s’étend sur 28 kilomètres. Au début des années 1970, les astronautes d’Apollo 16 et 17 s’étaient aussi entraînés à Sudbury, en Ontario, à cause du manque de verdure et de l’aspect lunaire du paysage.

Cassandra Marion, une conseillère scientifique du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, dit avoir visité six fois le cratère. Pour elle, c’est un paysage d’une beauté à couper le souffle.

Le cratère est à la limite de la toundra et de la forêt boréale. On peut s’y rendre en avion-cargo puisqu’on compte deux aérodromes dans le secteur.

L’endroit est paisible. Les roches sont identiques à celles de la surface lunaire, compare Mme Marion, mais Mistastin se démarque par plusieurs aspects, notamment l’abondance des plants de bleuets et un lac datant de la dernière ère glaciaire.

Une tâche cruciale

Le Pr Osinski s’est rendu deux fois au cratère. Selon lui, les astronautes peuvent y être formés à la géologie sur le terrain. On pourrait notamment leur apprendre à bien choisir des échantillons dans un secteur peu exploré.

« C’est absolument crucial, car ce ne sont pas les astronautes qui examineront les échantillons lorsqu’ils reviendront sur Terre. Ce sont les scientifiques. Alors il est bien important de s’assurer que les astronautes pourront bien recueillir ces données. Il faudra faire le tri entre plusieurs dizaines d’échantillons, lesquels choisir pour permettre aux scientifiques de répondre à leurs questions ? »

En septembre 2021, l’astronaute canadien Joshua Kutryk et son collègue de la NASA Matthew Dominick, qui participera à Artémis, se sont entraînés dans le cratère Mistastin pour se familiariser avec des roches qu’ils pourraient observer sur la Lune. Ces pierres, souvent âgées de plusieurs millions d’années, peuvent être récupérées sur les falaises.

« Je participe à des discussions pour y retourner en septembre avec un plus grand groupe d’astronautes canadiens et américains », mentionne le Pr Osinski.

La théorie dominante est que la Lune est formée de débris provoqués par la collision entre un corps céleste de la taille de la planète Mars et la Terre, il y a plusieurs milliards d’années. La surface en fusion s’est refroidie. Les pierres les plus légères, connues sous le nom d’anorthosite, ont pu se hisser à l’affleurement, explique-t-il. Ce sont elles qui ont donné à la Lune son reflet blanc.

C’est pour ça que Mistastin est l’un des endroits qui ressemblent le plus à la Lune. Pour le Pr Osinski, cette similitude est frappante. « C’est absolument l’un des lieux géologiques les plus remarquables où je suis allé. »