Deux sites
Les pompiers d’Aéroports de Montréal doivent évidemment s’entraîner à éteindre des incendies dans des avions. Jusqu’en 2011, ils le faisaient dans une section de l’aéroport de Mirabel aménagée au-dessus d’une membrane recueillant les eaux de ruissellement. Mais entre 1975 et 1992, l’entraînement avait lieu dans une autre section de l’aéroport, sans membrane. Les sols et les eaux souterraines de cet endroit sont maintenant contaminés aux perfluorés, des molécules controversées utilisées dans les mousses anti-incendies industriels. « On a commencé à surveiller l’eau de ces sites avec des puits en 2010 », explique Pierre St-Onge, ingénieur et directeur, projets spéciaux et intégration développement durable, d’Aéroports de Montréal. « On a vu qu’il y avait des perfluorés et on a mis le processus [de décontamination de l’eau] en branle. »
Les taux de perfluorés mesurés dans l’eau souterraine sont de 680 ng/L pour le sulfonate de perfluorooctane sulfonate (SPFO) et de 79 ng/L pour l’acide perfluorooctanoïque (APFO). Le premier excède la limite recommandée par Santé Canada (qui est de 600 ng/L), tandis que le second est en dessous (200 ng/L).
Par ailleurs, depuis cet automne, les pompiers des aéroports de Mirabel et Montréal-Trudeau n’utilisent plus de mousses avec SPFO.
L’a b c des perfluorés
Les perfluorés sont des molécules découvertes par des chimistes dans les années 1940 et 1950. Les plus connus sont présents dans les composés antitache Scotchgard et antiadhésif Teflon. Les preuves directes de la nocivité des perfluorés proviennent de lieux de déversements importants près d’usines, comme dans le film Dark Waters, où les taux étaient 10 000 fois plus importants que les normes actuelles. Des études récentes ont toutefois montré des effets négatifs sur le système immunitaire des enfants, à des taux comparables aux normes actuelles.
Nappes phréatiques
André Campeau n’a appris la présence de perfluorés dans les eaux souterraines de l’aéroport qu’en 2020. « J’ai reçu une lettre indiquant qu’il fallait qu’on vienne tester l’eau de mon puits », a dit l’ancien ingénieur géologique de la Ville de Montréal, qui habite juste à côté de l’aéroport, dans une maison familiale construite au XIXe siècle. Depuis, un puits de surveillance a été installé près de son terrain. « Au total, nous avons 35 puits de surveillance à l’intérieur et à l’extérieur de l’aéroport, explique M. St-Onge. Pour le moment, il n’y a pas eu de détection [de perfluorés] à l’extérieur de l’aéroport. »
Dans son bureau de Sainte-Scholastique, Jérôme Duguay, directeur de l’environnement de la Ville de Mirabel, montre comment les différentes nappes phréatiques de la ville communiquent entre elles. « Normalement, les puits de surveillance [d’Aéroports de Montréal] sont situés au bon endroit pour détecter un déplacement de la contamination. Mais les cartes sont des approximations : entre une version et une autre, il y a des changements. » Mirabel n’a pas trouvé de perfluorés dans son eau potable, près de l’aéroport. « On en a trouvé des traces à Saint-Janvier, mais on ne sait pas pourquoi il y en a là », souligne M. Duguay.
Traiter l’eau…
L’eau contaminée aux perfluorés à l’aéroport est pompée vers une station de traitement dont la capacité est de 430 000 litres par jour. « Ça fait une barrière pour ne pas contaminer l’eau en aval des aquifères, à l’extérieur de l’aéroport », fait valoir M. St-Onge. Une partie de l’eau traitée est ensuite réinjectée vers l’aquifère. Une autre est dirigée vers la Belle Rivière, un petit cours d’eau qui coule vers Sainte-Scholastique.
… et les sols
Un problème plus épineux sera de traiter les sols contaminés de l’ancien site d’exercices d’incendies, et aussi dans le nouveau. « On est encore en train de réfléchir à comment on va faire », explique M. St-Onge.
Les autres aéroports
L’aéroport de Mirabel est en avance sur les autres aéroports en Amérique du Nord en traitant des sites d’exercices d’incendies contaminés aux perfluorés, selon plusieurs experts consultés par La Presse en Ontario, aux États-Unis et en Europe.
« L’Australie est vraiment le pays qui a le plus fait sur le sujet », dit Roger Klein, un expert indépendant britannique qui a publié plusieurs livres blancs sur les perfluorés pour des ONG. « Mais à part ça, la plupart des aéroports occidentaux sont encore dans la planification. » Plus inquiétant encore, « en Amérique du Nord, le département américain de la Défense hésite à abandonner les mousses avec perfluorés ».
Et à Dorval ?
Il y a eu des entraînements de pompiers à l’aéroport Montréal-Trudeau de Dorval avant 1992. Ils ont été transférés à Mirabel par la suite. Les concentrations de perfluorés dans les eaux souterraines à Dorval sont « nettement sous les valeurs guides », selon Aéroports de Montréal.
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- 8000
- Nombre de voyages de camion nécessaires pour transporter la terre contaminée aux perfluorés des deux anciens terrains d’entraînement des pompiers de Mirabel
source : aéroports de montréal- De Mirabel à Toronto
- Les pompiers d’Aéroports de Montréal s’entraînent maintenant à Toronto.
source : aéroports de montréal