Les infrastructures pourraient être mieux protégées des glaces si on les dotait d’une surface similaire aux plumes des manchots, selon une nouvelle étude montréalaise.

Biomimétisme

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Souvenirs de la tempête de verglas de janvier 1998

« L’objectif est de manipuler les surfaces pour leur donner des propriétés sans revêtements chimiques potentiellement toxiques », explique Anne Kietzig, ingénieure des matériaux de l’Université McGill, qui est l’auteure principale de l’étude publiée cette semaine dans la revue Applied Material Surfaces de la Société chimique américaine (ACS). « Au départ, on s’inspirait plutôt des plantes et de leurs surfaces hydrophobes pour créer des surfaces résistantes à la glace. On s’est dit : peut-être que ça pourrait aussi être directement des surfaces résistantes à la glace. On dépense beaucoup d’argent pour renforcer les infrastructures comme les pylônes ou les rails, ou les véhicules comme les avions, pour qu’ils puissent soutenir le poids de la glace. Sinon, on utilise des revêtements chimiques résistants à la glace, ou alors on déglace avec des liquides dans les aéroports. »

Biodôme

PHOTO FOURNIE PAR ANNE KIETZIG

Anne Kietzig, ingénieure des matériaux de l’Université McGill

Les premières itérations des surfaces conçues selon le concept du biomimétisme étaient des nanotubes, de la taille du millionième de millimètre, sur des structures en maillage. « Les nanotubes ne fonctionnaient pas, la glace s’y accrochait et les rompait, dit Mme Kietzig. Mais un étudiant au doctorat s’est rendu compte qu’une fois que les nanotubes étaient arrachés, la glace ne s’accrochait pas à la structure sous-jacente. » Un autre étudiant a constaté que le maillage de la structure ressemblait aux plumes superposées d’un oiseau. « On s’est dit : on n’a jamais vu de photo de manchot avec de la glace sur son plumage. On a demandé au Biodôme s’il pouvait nous donner accès aux plumes de manchots. Ça tombait bien, c’était l’automne et les manchots venaient de perdre leurs plumes. »

Limites

PHOTO FOURNIE PAR ANNE KIETZIG

À gauche, la microstructure d’une plume de manchot ; à droite, le maillage texturé imitant les plumes de manchot.

L’analyse des plumes de manchots a révélé que le rachis, la tige solide au centre de la plume, présentait des petites rayures cruciales pour leurs propriétés anti-glace. « On a pu répliquer ces rayures avec de la texturation laser, dit Mme Kietzig. Le nouveau maillage s’est révélé très hydrophobe. Les gouttelettes rebondissent comme des ballons de soccer. Alors, la glace ne se forme pas. » La prochaine étape est de comprendre pourquoi ce maillage texturé est si inhospitalier pour la glace et de cerner les limites du phénomène. « Si on comprend ce qui se passe, et les limites de cette approche, il sera plus facile de reproduire le biomimétisme sur des surfaces plus unies utilisées en génie. On regarde notamment la proportion idéale de vide dans le maillage. »

Avions

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Dégivrage d’avion à l'aéroport Montréal-Trudeau

L’équipe de McGill a fait des tests à la soufflerie du Conseil national de recherche à Ottawa, un type de laboratoire qui permet de tester les modèles d’avions. « On a observé le givrage sur des drones et des bords d’attaque d’ailes d’avions, dit Mme Kietzig. Mais il y a beaucoup de réglementation en aviation, alors on pense que les premières applications seront plutôt pour des infrastructures comme des pylônes et des panneaux routiers. Il est aussi plus facile d’utiliser directement du maillage sur ces structures. » Quand pourrait-on voir les premières structures inspirées des travaux de Mme Kietzig ? « Je ne doute pas qu’on pourra avoir des produits d’ici 5 à 20 ans », dit l’ingénieure d’origine allemande.

En savoir plus
  • 1,2 milliard US
    Marché mondial du déglaçage dans les aéroports mondiaux
    SOURCE : RESEARCH AND MARKETS