Le réchauffement de la planète pourrait permettre à des virus arctiques de créer des pandémies, selon une nouvelle étude de l’Université d’Ottawa. Elles pourraient toucher non seulement l’humain, mais aussi les animaux, les plantes et les champignons.

« Les changements climatiques vont mettre en contact des hôtes et des virus qui ne le sont pas actuellement », note Audrée Lemieux, qui était biologiste à l’Université d’Ottawa quand elle a fait l’analyse des virus et des hôtes du lac Hazen, dans l’île d’Ellesmere, au Nunavut. Elle travaille maintenant au CHUM.

L’étude, publiée cette semaine dans les Proceedings B de la Société royale britannique, porte sur les « débordements viraux », soit les contacts inédits entre des virus et des hôtes. La plupart des virus analysés infectent les plantes et les champignons, mais certains touchent aussi les animaux. Une pandémie survient quand un virus animal devient transmissible entre humains.

Les auteurs de l’étude prennent soin de minimiser la menace. « On utilise le terme de pandémie de manière générale, pas seulement pour les pandémies qui touchent les humains », explique l’auteur principal de l’étude, Stéphane Aris-Brosou, de l’Université d’Ottawa.

Les auteurs ont analysé les ancêtres génétiques des virus et des hôtes du lac pour voir si les virus étaient capables d’infecter d’autres hôtes.

La réponse est oui, mais comme c’est la première fois que ce type d’analyse génétique est faite, on ne sait pas si l’ampleur des « débordements viraux » présents dans l’arbre généalogique – génétique en fait – des virus est élevée par rapport à celle des virus situés plus au sud.

« On va utiliser l’approche pour d’autres environnements, pour voir si le degré de débordements génétiques est élevé en Arctique, dit M. Aris-Brosou. Si c’est le cas, on pourrait prendre des mesures de santé publique. » Les écosystèmes où on sait que de nouvelles espèces ont migré depuis le sud, à cause du réchauffement de l’Arctique, pourraient par exemple faire l’objet d’une surveillance virale particulière.

Autre élément à considérer, des « vecteurs viraux » pourraient amener des virus arctiques vers le sud. Il s’agit d’animaux ou d’insectes qui peuvent être infectés et ne peuvent infecter l’humain, mais qui peuvent infecter un autre organisme qui, lui, peut infecter l’humain.

Pandémie

L’étude découle en partie de la pandémie. « On a eu du financement pour évaluer l’impact des changements climatiques sur les microorganismes du lac, dit M. Aris-Brosou. Audrée a été embauchée juste avant la pandémie. Les labos ont fermé. On s’est dit qu’on allait changer notre fusil d’épaule. J’ai un intérêt marqué pour l’évolution virale, alors j’ai eu l’idée de faire ces travaux avec les échantillons qu’on avait déjà analysés. »

Pourquoi avoir choisi le lac Hazen ? Parce qu’il est alimenté en partie par les eaux de ruissellement de glaciers voisins. « On utilise le taux de ruissellement comme le reflet de l’intensité des changements climatiques », explique Mme Lemieux. Les virus et les hôtes analysés proviennent des sédiments et des rives du lac.

En savoir plus
  • 0,8 °C
    Augmentation de la température mondiale entre 1964 et 2020
    SOURCE : Geophysical Research Letters
    3 °C
    Augmentation de la température arctique entre 1964 et 2020
    SOURCE : Geophysical Research Letters