En cas de conflit, la Chine doit avoir les moyens de neutraliser les satellites internet Starlink de SpaceX, selon un nouvel essai de chercheurs militaires de l’empire du Milieu. Elon Musk a donné des milliers de récepteurs Starlink à l’armée ukrainienne et développe des capacités antibrouillage pour contrer la Russie.

« Une combinaison de méthodes de destruction devrait être adoptée pour empêcher certains satellites Starlink de fonctionner et de détruire le système d’opération de la constellation. » Traduit par un diplomate américain à la retraite sur son blogue et repris par plusieurs médias technologiques, cet essai de la revue chinoise « Technologie de défense moderne » ne surprend pas Kaitlyn Johnson, qui suit depuis une demi-douzaine d’années les armes antisatellites chinoises au Center for Strategic and International Studies (CSIS).

Paranoïa

« En Chine, tout le programme spatial est contrôlé au moins indirectement par le gouvernement et l’armée », explique Mme Johnson, dont le plus récent rapport à ce sujet date d’avril. « Dans mes discussions avec des civils et des fonctionnaires chinois, je vois que pour eux, c’est la même chose pour SpaceX. »

Ils sont convaincus que l’armée américaine téléguide les choix d’Elon Musk.

Kaitlyn Johnson, directrice adjointe et chercheuse au CSIS

« Ce n’est certainement pas le cas, parce que Starlink a une utilité très limitée pour l’armée américaine. C’est un lien internet trop faible et imprécis », affirme-t-elle.

Résilience

Serait-il possible pour la Chine de paralyser Starlink ? « Pas en détruisant les satellites, il y en aurait trop, même pour l’armée américaine, dit Mme Johnson. On est rendu à 2400, et il va y en avoir des dizaines de milliers de plus. Mais il pourrait y avoir du brouillage par d’autres satellites chinois. En ce moment, la Russie brouille les récepteurs Starlink ukrainiens à partir du sol, mais pour cela, il faut être très proche.

« Elon Musk a d’ailleurs annoncé qu’il travaillait sur des capacités antibrouillage pour aider l’Ukraine », soutient-elle.

L’espace « juste à temps »

De toute façon, le faible coût des lancements de SpaceX rend le remplacement de satellites détruits par des missiles chinois plus facile. L’armée américaine planche d’ailleurs sur un programme de « flexibilité tactique de lancement » (tactically responsive launch), qui devrait recevoir 150 millions de dollars en financement en 2023. « L’idée est de remplacer immédiatement un satellite détruit par l’ennemi », dit Mme Johnson.

En mars, l’agence de recherche et développement militaire DARPA a mis un terme à un concours lancé en 2016. Aucune des 18 firmes retenues n’avait réussi l’épreuve, qui consistait à faire deux lancements en moins de deux semaines — avec des lieux, des cargos et des orbites dévoilés à la dernière minute.

« L’armée travaille aussi sur sa propre constellation de petits satellites internet comme Starlink », fait valoir Mme Johnson.

Les capacités chinoises

La Chine a plusieurs années de retard sur Starlink et SpaceX, selon Mme Johnson. « Ils ont plusieurs projets de constellations internet et de petits lanceurs capables de réagir rapidement, mais le focus a surtout été sur les gros satellites et les gros lanceurs. »

L’ABC de Starlink

Les premiers satellites Starlink, projet d’Elon Musk annoncé en 2015, ont été lancés en 2019. La couverture internet au moyen de Starlink est offerte dans 33 pays, et les premiers clients ont été connectés début 2021.

Les satellites Starlink sont en orbite basse, soit à 340 km, et pèsent à peine plus de 225 kg. Ce faible poids permet des lancements plus fréquents, ce qui est rendu nécessaire par la faible altitude. En effet, un satellite en orbite très basse replonge plus rapidement dans l’atmosphère terrestre. Chaque satellite de Starlink a une durée de vie de cinq ans. Cette orbite très basse réduit par ailleurs le délai de communication, ce qui a l’avantage d’améliorer la qualité du signal internet.

De nombreux astronomes s’inquiètent toutefois de l’interférence que causeront les dizaines de milliers de satellites Starlink avec les observations des télescopes terrestres.

En savoir plus
  • 400 000
    Nombre de clients de Starlink en mai 2022
    Source : Starlink