(Washington) Après des années de retard et d’échecs successifs, la capsule spatiale de Boeing, Starliner, a décollé jeudi soir depuis la Floride pour un vol d’essai à vide en direction de la Station spatiale internationale, dans l’espoir d’enfin devenir la deuxième entreprise à servir à l’avenir de « taxi » pour les astronautes de la NASA, après SpaceX.

Le lancement a eu lieu depuis Cap Canaveral à 18 h 54 heure locale. Starliner était propulsée par une fusée Atlas V de United Launch Alliance (ULA), et doit s’amarrer à la Station spatiale (ISS) environ 24 h plus tard.

La capsule a été placée sur la bonne trajectoire, mais deux des 12 propulseurs normalement utilisés pour la manœuvre n’ont pas fonctionné, ont déclaré des responsables de la NASA lors d’une conférence de presse. Ce problème ne devrait toutefois pas affecter la mission, ont-ils assuré.

« Les équipes sont en train de travailler pour comprendre pourquoi nous avons eu ces anomalies », a déclaré Mark Nappi, responsable du programme spatial habité chez Boeing. « Nous avons un véhicule sûr et nous sommes en route vers la Station spatiale internationale », a-t-il ajouté.

Ce test sans passagers à bord, qui doit prouver que la capsule est sûre pour ensuite transporter des humains, avait déjà été tenté en 2019. Mais il avait alors frôlé la catastrophe, et le vaisseau avait dû revenir sur Terre prématurément sans avoir atteint l’ISS.

Puis en août 2021, un nouvel essai avait dû être annulé au tout dernier moment, avant même le lancement, à cause d’un problème de valves détecté lors des ultimes vérifications.

Pendant ce temps-là, SpaceX, pourtant nouvelle venue dans l’industrie aérospatiale par rapport à Boeing, a de son côté réussi ses propres tests, et commencé à transporter les astronautes de la NASA lors de missions régulières. En tout, l’entreprise du milliardaire Elon Musk a déjà acheminé 18 astronautes avec sa propre capsule, Dragon — ainsi que quatre passagers privés lors d’une mission de tourisme spatial.  

Mais la NASA souhaite diversifier ses options, afin de ne plus jamais risquer de se retrouver sans moyens de transport américain, comme après l’arrêt des navettes spatiales en 2011. Jusqu’à SpaceX, l’agence américaine en était en effet réduite à payer pour des places dans les fusées russes Soyouz.

Un contrat à prix fixe a été passé avec SpaceX tout comme avec Boeing.

Amarrage délicat

Jeudi, seul un mannequin nommé Rosie était assis dans le siège du commandant. Il est équipé d’une quinzaine de capteurs, destinés à récolter des informations sur les mouvements de la structure.

Starliner emporte également environ 230 kg de ravitaillement pour le compte de la NASA, dont de la nourriture.

L’approche de l’ISS vendredi, vers 19 h, sera suivie de près par les astronautes à bord de la Station. Ils commanderont d’abord à la capsule de se stabiliser à environ 250 mètres de distance, avant de procéder à la délicate manœuvre de contact. L’écoutille de la capsule ne sera ouverte que le lendemain, samedi.  

Starliner doit rester amarrée à l’ISS durant environ cinq jours, avant de redescendre vers la Terre pour atterrir dans le désert de l’État américain du Nouveau-Mexique, sur la base de White Sands.  

Déboires à répétition

Le développement de Starliner s’est révélé être une longue épopée semée d’embûches.  

En 2019, la capsule n’avait pas pu être placée sur la bonne orbite à cause d’un problème d’horloge, et avait dû revenir sur Terre au bout de deux jours. Boeing s’était ensuite aperçu que d’autres soucis de logiciel avaient failli engendrer une grave anomalie de vol.

La NASA avait prescrit une longue liste de recommandations et modifications à effectuer.  

Puis, en 2021, alors que la fusée se trouvait déjà sur le pas de tir pour retenter le vol, un problème d’humidité avait causé une réaction chimique ayant bloqué l’ouverture de certaines valves de la capsule. Elle avait dû retourner à l’usine pour inspection — pendant 10 mois.  

Le problème a été réglé en isolant hermétiquement les nouvelles valves, afin d’empêcher l’humidité de pénétrer, a expliqué Mark Nappi, de chez Boeing. Mais à l’avenir, d’autres solutions de plus long terme, dont un design modifié, sont sur la table.  

L’enjeu est grand pour la compagnie, qui espère pouvoir réaliser un premier vol habité d’ici la fin de l’année. Cette deuxième mission de démonstration sera indispensable pour enfin obtenir l’homologation de la NASA.

Mais le calendrier exact dépendra des performances de la capsule cette semaine — qui devront du même coup redorer un peu l’image de Boeing, pour le moins écornée par ces déboires à répétition.