Le microplastique ingéré par des fruits de mer dans l’océan pourrait-il être transmis aux humains qui dégustent une entrée de pétoncles, par exemple ? C’est la question à laquelle des chercheurs ont tenté de répondre au cours d’une expérience inusitée menée aux Îles-de-la-Madeleine.

Le sujet défraie de plus en plus la chronique dans les médias et les magazines scientifiques. Le microplastique est partout. On en retrouve sur terre, dans les océans et même dans l’air. Des écosystèmes entiers se retrouvent aujourd’hui pollués par le plastique et l’étude de cette nouvelle source de pollution en est à ses balbutiements.

Or, si le microplastique est partout, pourrait-on en retrouver dans notre recette préférée de pétoncle géant au beurre à l’ail et au citron ? La question semble très pointue, mais le pétoncle géant (Placopecten magellanicus) a bel et bien fait l’objet d’une expérience inusitée menée par une équipe du centre de recherche Merinov à l’automne 2020 aux Îles-de-la-Madeleine.

Les conclusions de cette étude ont été présentées dans le cadre du 89e Congrès de l’Association francophone pour le savoir (Acfas), qui s’est terminé vendredi.

Merinov est un centre de recherche spécialisé en technologie des pêches, de l’aquaculture et des bioressources marines qui a son siège social à Gaspé. Il se spécialise dans la recherche industrielle. Son mandat est donc d’accompagner l’industrie des pêches face à diverses problématiques.

PHOTO FOURNIE PAR MERINOV

Nicolas Toupoint, chargé de projet chez Merinov

« Nous avons peu de données sur la contamination du microplastique au Québec et au Canada. Nous nous sommes donc demandé comment accompagner l’industrie avec un enjeu qui va devenir un problème », explique Nicolas Toupoint, chargé de projet chez Merinov.

Des effets sur les souris

Le choix du pétoncle géant s’est rapidement imposé. D’une part, ce mollusque a un certain intérêt commercial au Québec. D’autre part, c’est une espèce qui peut être assez sensible à la contamination par le microplastique puisque sa coquille ne se referme pas complètement, contrairement à celle de l’huître ou de la moule, par exemple.

L’expérience a été réalisée en septembre et octobre 2020 aux Îles-de-la-Madeleine avec la collaboration d’étudiants du Cégep de la Gaspésie et des Îles. L’équipe a d’abord exposé pendant un mois 30 pétoncles géants à diverses concentrations de microplastique dans des bassins conçus à cet effet.

Les pétoncles ont ensuite été analysés en fonction de différents critères et la chair a été lyophilisée pour la suite de l’expérience. Au cours des 28 jours suivants, une trentaine de souris ont été nourries avec la chair de pétoncle lyophilisée en suivant un protocole rigoureux. Le pétoncle a représenté environ 4 % du régime alimentaire des souris pendant cette période.

Les résultats de cette expérience se sont avérés plutôt inquiétants pour les souris, mais beaucoup moins pour les pétoncles.

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Les analyses n’ont pas révélé de problèmes marqués chez les mollusques en lien avec la concentration de microplastique.

« Dans le cas des pétoncles, nous n’avons pas constaté de mortalité, peu importe la concentration de microplastique utilisée », indique Nicolas Toupoint. Les différentes mesures et analyses n’ont pas révélé non plus de problèmes marqués chez les mollusques testés.

On aurait pu croire que les résultats auraient été similaires pour les souris. Mais ceux-ci comportent des données surprenantes.

Les souris qui ont ingéré de la chair de pétoncle contenant la plus forte concentration de microplastique se sont retrouvées avec un cœur dont le poids était de 10 % inférieur à celui des souris du groupe test. C’est-à-dire celles qui ont mangé des pétoncles qui n’avaient pas été exposés au microplastique.

Les analyses ont aussi révélé des effets sur le bilan sanguin des souris exposées aux plus fortes concentrations de microplastique. Des effets sur le foie ont aussi été constatés.

« On peut parler d’impacts significatifs indirects », note Nicolas Toupoint.

L’expert se garde bien cependant de tirer des conclusions plus larges, notamment sur l’effet éventuel sur les humains. Il précise que c’est toute la chair du pétoncle qui a été servie aux souris, alors que c’est le muscle qui est consommé par l’homme.

« En théorie, les microplastiques vont se retrouver généralement dans le système digestif du mollusque plutôt que dans son muscle. Il faut donc faire attention avant de faire des analogies pour les humains. Ça va nous prendre d’autres recherches pour mesurer ça. »

Nicolas Toupoint précise qu’il sera important de faire d’autres recherches avec un plus grand nombre d’individus pour valider ces résultats. Des expériences pourraient aussi être menées avec d’autres espèces. « Ça montre l’importance de poursuivre les efforts de la recherche sur l’impact du microplastique sur les produits marins, notamment pour accompagner les industries qui en dépendent. »

Microplastique et carbone 14

Des chercheurs de l’Université du Québec à Rimouski en collaboration avec Nicolas Toupoint, de Merinov, mettent au point un projet qui permettrait d’évaluer plus précisément les effets du microplastique sur les pétoncles géants. Des échantillons de microplastique seront marqués au carbone 14, ce qui permettra de retrouver plus exactement leur trace chez le mollusque, permettant ainsi des analyses plus fines d’une contamination.

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    En 60 ans, l’industrie du plastique a vu passer sa production annuelle de 1 à 360 millions de tonnes à l’échelle mondiale.
    Source : Merinov