Des chercheurs ont découvert pour la première fois des microplastiques dans le sang humain. Doit-on s’inquiéter pour notre santé ? Voici quelques éléments de réponse.

22 échantillons

Des scientifiques néerlandais ont analysé les échantillons de sang de 22 donneurs anonymes, tous des adultes en bonne santé, et ont trouvé des particules de plastique chez 17 d’entre eux. La moitié des échantillons contenaient du polytéréphtalate d’éthylène (PET), un plastique couramment utilisé dans la fabrication de bouteilles. Le tiers contenait du polystyrène, une forme de styromousse servant entre autres à emballer des aliments. Puis, un quart des échantillons contenaient du polyéthylène, une matière utilisée dans la fabrication de sacs de plastique.

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Le professeur Dick Vethaak, écotoxicologue à l’Université libre d’Amsterdam

Il est certainement raisonnable de s’inquiéter. Les particules sont là et sont transportées dans tout le corps.

Le professeur Dick Vethaak, écotoxicologue à l’Université libre d’Amsterdam, qui a commenté l’étude dans le quotidien britannique The Guardian

Des particules dans les biberons

Des chercheurs ont déjà révélé, en septembre dernier, que la présence de microplastiques était 10 fois supérieure dans les excréments de bébés que dans ceux d’adules. Les scientifiques ont analysé les couches souillées de 6 enfants de 1 an, de 3 nouveau-nés et de 10 adultes – les résultats de leurs recherches ont été publiés dans la revue Environmental Science & Technology Letters. Une autre étude, parue dans Nature Food en octobre 2020, a démontré qu’un bébé nourri au biberon avale plus de 1 million de particules de plastique chaque jour. Ces grains microscopiques se détachent des bouteilles.

Nous savons en général que les bébés et les jeunes enfants sont plus vulnérables à l’exposition aux produits chimiques et aux particules. Cela m’inquiète beaucoup.

Dick Vethaak, professeur à l’Université libre d’Amsterdam

Chaîne alimentaire

Le professeur québécois Patrick Drogui, de l’Institut national de la recherche scientifique, connaît bien les microplastiques. Avec son équipe, il a développé un procédé afin d’éliminer les particules de plastique dans les eaux usées. « Ce n’est pas étonnant que l’on retrouve des microplastiques dans le sang », affirme le chercheur. « Des études ont déjà démontré qu’il y en avait dans le sel marin (celui qu’on utilise pour assaisonner nos plats), dans les huîtres et dans les fruits de mer. Donc, on sait qu’ils sont présents dans la chaîne alimentaire et nécessairement, on en ingère. »

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Du plastique recyclé et déchiqueté est représenté sur une assiette. La quantité équivaut à la quantité de microplastique qu’une personne pourrait consommer en un an, selon une étude de 2019 du WWF International.

Les impacts sur la santé

Les chercheurs ignorent les impacts que pourraient avoir sur la santé humaine ces microplastiques découverts dans les échantillons de sang. Ils savent toutefois que les particules dans la pollution de l’air pénètrent dans le corps et causent des millions de décès chaque année. « La grande question est de savoir ce qui se passe dans notre corps », explique le professeur Dick Vethaak. « Les particules sont-elles retenues dans le corps ? Sont-elles transportées vers certains organes ? Peuvent-elles franchir la barrière hématoencéphalique ? Et ces niveaux sont-ils suffisamment élevés pour déclencher des maladies ? » Le chercheur insiste sur l’urgence d’effectuer d’autres études sur les impacts des microplastiques sur la santé humaine.

Selon les chercheurs, les microplastiques ont pu pénétrer dans le corps par :

  • l’air ;
  • l’eau ;
  • la nourriture ;
  • les produits d’hygiène ou cosmétiques.

Méthodologie

Les scientifiques ont adapté des techniques déjà existantes pour détecter et analyser des particules minuscules de 0,0007 mm dans le sang. Ils ont utilisé des aiguilles en acier et des tubes en verre, une méthode qui permet de minimiser la contamination des prélèvements. Au total, 80 % des échantillons contenaient des microplastiques, parfois deux ou trois sortes. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue Environment International, la semaine dernière. « Notre étude est la première indication que nous avons des particules de polymère dans notre sang. C’est un résultat révolutionnaire », a commenté Dick Vethaak dans The Guardian.

Deux fois plus de plastique en 2040

« Nous avons le droit de savoir ce que ces plastiques font à notre corps », a déclaré Jo Royle, fondatrice de l’organisme Common Seas. « La production de plastique devrait doubler d’ici 2040 », a-t-elle ajouté dans le quotidien britannique. Common Seas, qui lutte contre la pollution de plastique, a financé la nouvelle étude avec l’Organisation nationale néerlandaise pour la recherche et le développement en santé. L’organisme, ainsi que 80 ONG, scientifiques et députés demandent au gouvernement britannique d’injecter 15 millions de livres sterling (25 millions de dollars canadiens) dans la recherche sur les impacts des microplastiques sur la santé humaine.

Les microplastiques et le corps

Une autre étude avait déjà révélé, en août 2021, que les microplastiques peuvent s’accrocher aux membranes externes des globules rouges, ce qui limite leur capacité à transporter de l’oxygène. Des scientifiques ont également détecté des microplastiques dans le placenta de femmes enceintes. Leurs recherches, publiées en décembre 2020, n’ont pas permis de conclure si ces particules ont pu se retrouver dans le corps des bébés à leur naissance. Mais chez les rats, les microplastiques ont réussi à atteindre le cœur, le cerveau et les poumons des fœtus.