Le variant Omicron se reproduirait davantage que le Delta dans les voies respiratoires supérieures, mais moins dans les tréfonds des poumons, selon plusieurs études. Cela pourrait expliquer qu’il est plus transmissible mais moins grave. Toutefois, des chercheurs appellent à la prudence.

« La réplication d’Omicron est 70 fois plus importante que celle de Delta dans la trachée mais, 10 fois moins importante dans les poumons », explique Michael Chan, virologue à l’Université de Hong Kong, qui a travaillé sur des bouillons de cellules humaines.

Au moins trois études animales sont arrivées à des résultats similaires. Aucune n’a encore été publiée dans une revue avec comité de révision, mais plutôt sur des sites de prépublication scientifique.

La reproduction plus importante du variant Omicron dans le nez et la gorge pourrait augmenter la quantité de virus présent dans les aérosols et les gouttelettes expirées par les personnes infectées, et faciliter son implantation dans une nouvelle personne.

L’hypothèse a fait la une du New York Times le 1er janvier, sous la plume du journaliste vedette Carl Zimmer. Mais Michael Diamond, de l’Université Washington à Saint-Louis, qui a colligé dans son étude les résultats d’une demi-douzaine de laboratoires ayant observé le phénomène chez la souris et le hamster, était cette semaine plus circonspect que dans son entrevue avec le New York Times.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L'UNIVERSITÉ WASHINGTON À SAINT-LOUIS

Le Dr Michael Diamond

« J’aimerais mieux avoir d’autres études sur les cellules humaines, comme celle de Hong Kong, avant de conclure que c’est ce qui se passe avec Omicron », dit le DDiamond en entrevue avec La Presse. « Il est clair qu’Omicron est plus transmissible, mais il est possible que sa gravité moins grande soit due à la vaccination et non à une réplication moins grande dans les poumons. Idéalement, on devrait vérifier ce qui se passe avec Omicron chez des patients naïfs, qui n’ont jamais été infectés ni vaccinés. »

Une première étude de ce genre, sud-africaine, a été prépubliée vendredi sur MedRxiv. Elle estime à 25 % la réduction du risque d’hospitalisation grave ou de décès posé par Omicron par rapport à Delta chez les non-vaccinés. « C’est une réduction assez faible, observe le DDiamond. Et on ne sait pas si ce sont des patients qui ont déjà eu la COVID-19. »

La prudence du DDiamond est compréhensible, selon Guy Boivin, infectiologue au CHU de Québec. « Mais j’ai vu les études, et en effet, il semble y avoir plus de réplication dans les voies respiratoires supérieures et moins dans les poumons. »

Jonathan Lévesque, pneumologue à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, note que les patients atteints du variant Omicron semblent avoir moins d’atteintes dans les profondeurs des poumons, là où ont lieu les échanges gazeux avec le sang, par rapport aux autres variants du SRAS-CoV-2, le coronavirus responsable de la COVID-19. « On voit plus une atteinte de l’état général et des bronchospasmes », dit le DLévesque. Ces bronchospasmes touchent les bronches plus larges, au début des poumons.

Cela a mené à des changements de pratique, indique le DLévesque.

Un inhalateur anti-inflammatoire, le Pulmicort, semble efficace pour réduire les symptômes du variant Omicron.

Le DLévesque, pneumologue à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont

Le Pulmicor pourrait selon lui être prescrit par un médecin de famille, même par télémédecine, pour éviter une visite à l’hôpital par un patient ayant des bronchospasmes, parfois appelés « silements ».

Interférence

Le DBoivin, du CHU de Québec, publie par ailleurs cette semaine dans la revue Emerging Infectious Diseases une étude sur l’interaction entre les différents virus respiratoires.

« Une étude britannique a observé que les patients qui avaient eu la grippe avant la première vague de COVID-19 en 2020 avaient moins de risque d’infection et de décès, dit le DBoivin. Les rhinovirus, responsables des rhumes, diminuent aussi le risque de la COVID-19. Par ailleurs, on a vu l’été dernier un grand nombre de cas de virus respiratoire syncytial, alors que, normalement, le pic du VRS survient autour des Fêtes. Il semble donc bel et bien y avoir de l’interférence entre les virus. »

PHOTO TIRÉE DU SITE DU CHU DE QUÉBEC

Le Dr Guy Boivin

L’infectiologue de Québec note que les patients atteints simultanément de la grippe et de la COVID-19 ont souvent une maladie plus grave, mais il ne pense pas que cela signifie que la COVID-19 augmente la gravité de la grippe. « C’est simplement l’effet combiné de deux maladies », dit-il.

La prochaine étape, selon lui, est de voir si le SRAS-CoV-2 interfère avec d’autres virus respiratoires et les rend moins graves. Des immunologues ont avancé au contraire que le confinement, en diminuant l’exposition aux virus du rhume et de la grippe, minera les défenses immunitaires de la population et rendra ces infections plus graves.

« Je pense que le confinement explique une partie de la faible activité grippale, par exemple, mais que ça n’explique pas tout, dit le DBoivin. Je pense qu’il est fort possible qu’il y ait une interférence du SRAS-CoV-2. »