La pandémie a relégué au second plan bien des problèmes de santé criants, notamment la maladie d’Alzheimer. Pourtant, le domaine est en ébullition, avec des avancées cruciales, réalisées en grande partie par des chercheurs québécois, qui permettront enfin de détecter la maladie de façon biologique — beaucoup plus tôt, donc. Le neurologue Serge Gauthier, de l’Université McGill, fait le point, alors que son équipe vient d’être chargée de rédiger, cette année et l’an prochain, le prestigieux World Alzheimer Report.

Quand pourra-t-on diagnostiquer la maladie d’Alzheimer de manière non invasive ?

Pour le moment, il faut cibler une molécule associée à la maladie, appelée amyloïde, dans le liquide céphalorachidien au moyen d’une ponction lombaire. Ça coûte 1000 $ US et il n’y a même pas de laboratoire commercial qui fait cela au Canada. On est sur le point d’avoir un test sanguin qui donne une idée de ce qui se passe dans le cerveau avec une forme anormale de la protéine tau, aussi associée à l’alzheimer. Il faut voir quels fragments sont les plus importants pour prédire l’évolution des symptômes. On va gagner quelques années pour le diagnostic, si on peut combiner ces analyses sanguines avec l’apparition des symptômes. Il faut souligner que l’un des groupes les plus prometteurs pour le test sanguin de protéine tau, en Suède, utilise du sang de participants d’une cohorte montréalaise, BioVie, qui sont suivis au niveau fonctionnel et avec des tests d’imagerie à tous les deux ans.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le Dr Serge Gauthier en 2011. Le neurologue et son équipe sont chargés de rédiger le World Alzheimer Report cette année et l’an prochain.

Que peut-on faire avec un diagnostic plus précoce ?

Pour le moment, avec les traitements actuels, on peut gagner deux ou trois ans sur la maladie en la stabilisant, si c’est fait le plus tôt possible. Il y a aussi différents traitements contre ces deux molécules, amyloïde et tau, en essais cliniques. On va réessayer l’ancienne molécule du D[Francesco] Bellini, de Neurochem, une invention montréalaise. À l’époque, on ne pouvait pas mesurer la quantité d’amyloïde dans le cerveau avec des scans ou par ponction lombaire, alors on a traité des gens qui n’avaient pas d’accumulation d’amyloïde dans le cerveau. Il y a eu une réanalyse des données de Neurochem et il se pourrait que certaines caractéristiques génétiques prédisent une bonne réponse au traitement.

Vous mentionnez le suivi des activités domestiques.

C’est une étude de l’Université de Montréal, qui a suivi des patients avec un diagnostic de trouble cognitif léger. En ajoutant des questions sur des activités quotidiennes comme le ménage, la cuisine, les courses, le lavage, l’utilisation du téléphone, la prise de médicaments, la gestion du budget et les transports, on améliore beaucoup la capacité de prédire l’évolution des troubles cognitifs.

Vous évoquez la possibilité qu’une « boisson cétogène », à base de gras, mise au point à l’Université de Sherbrooke puisse aussi contribuer à la guerre contre l’alzheimer.

Il y a eu une preuve de concept, ça semble être une boisson stimulante intellectuellement. On en parle beaucoup en Europe.

La pandémie a obligé les neurologues à trouver des manières de voir leurs patients à distance. Est-ce que ça marche ?

Depuis neuf mois, on fait des visites virtuelles avec tous les gens qu’on connaît déjà. On a développé la validité des outils et des tests qu’on fait normalement en personne. Ça marche assez bien et ça va être assez utile par la suite avec les personnes âgées qui ont de la difficulté à se déplacer. On a trouvé des manières avec des tablettes, des dessins à distance. Mon espoir, c’est que ça permette de combler une partie du retard qu’on a pris pour l’évaluation des nouveaux patients depuis un an. On pourra peut-être faire une présélection en ligne. Normalement, les gens qui se plaignent de troubles de la mémoire sont vus en trois mois, là on est à un an. Il y a eu beaucoup de délestage dans les cliniques de la mémoire. C’est un autre trouble silencieux de la pandémie, dont on parle moins que du report des soins contre le cancer et des opérations chirurgicales.

Est-ce qu’il y a du nouveau sur le plan de la réduction des risques d’alzheimer ?

Il y a beaucoup de travail sur l’audition. On a de plus en plus d’études qui montrent que traiter les problèmes d’audition avec des appareils auditifs réduit le risque de démence.

L’alzheimer en chiffres

1 personne sur 600 recevra un diagnostic d’alzheimer durant sa 60année

1 personne sur 34 recevra un diagnostic d’alzheimer durant sa 85année

Source : JAMA