Nouvelle manifestation des bouleversements climatiques, le Gulf Stream montre des signes d’affaiblissement, a révélé une étude publiée jeudi dans la revue Nature Climate Change. Ce ralentissement du courant océanique pourrait mener à son effondrement, ce qui aurait de graves conséquences sur le climat.

Qu’est-ce que le Gulf Stream ?

Le Gulf Stream (parfois appelé « dérive nord-atlantique ») est un courant prenant sa source dans l’Atlantique, non loin de la Floride et des Bahamas. Il remonte ensuite vers l’Atlantique-Nord, avant de bifurquer vers l’Europe. Il s’agit de l’un des plus importants courants d’un système nommé Atlantic Meridional Overturning Circulation (AMOC), ce qui se traduit en français par « circulation méridienne de retournement atlantique ». « C’est comme une thermopompe. La Terre est alimentée par des courants marins qui réchauffent surtout les régions nordiques. […] Du côté atlantique, on a le Gulf Stream », illustre Jean-Pierre Blanchet, professeur au département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « Il transporte de l’eau chaude en surface, qui va plonger dans l’Atlantique-Nord, puis qui va revenir en charriant de l’eau froide, plus dense, plus salée, dans les tropiques », et ce, en boucle, ajoute-t-il.

Un système à deux vitesses, selon l’étude

L’AMOC est un système qui fonctionne à deux vitesses, soit à un mode « fort » et à un mode « faible », détaille l’étude dans Nature Climate Change, réalisée par Niklas Boers, professeur au département de mathématiques et d’informatique de l’Université libre de Berlin. La fonte des glaces au nord de l’Atlantique causée par les changements climatiques a un impact sur le Gulf Stream en réduisant la salinité de l’eau. La diminution de la concentration de sel réduit la densité de l’eau, et nuit ainsi à la formation en eaux profondes. Un phénomène qui peut faire passer l’AMOC d’un mode fort à faible. « Différentes sources d’information […] indiquent que les températures de l’hémisphère Nord ont brusquement varié à des échelles de temps millénaires, au cours des époques glaciaires précédentes, avec des changements correspondants de l’AMOC entre ses modes faible et fort », prévient l’étude de Boers. Une trop grande quantité d’eau douce pourrait entraîner l’effondrement de l’AMOC.

Quels sont les autres facteurs d’affaiblissement du Gulf Stream ?

En tout, huit signes du ralentissement du Gulf Stream ont été observés. Parmi eux figure l’augmentation de la température terrestre et de l’eau causée par la croissance des émissions de CO2. Outre la fonte des glaces arctiques et celle de la calotte glaciaire du Groenland, qui diminuent la salinité de l’eau, un « trou de réchauffement » au sud du Groenland préoccupe les scientifiques. On y a trouvé l’un des taux en sel les plus faibles. « Les résultats présentés suggèrent que ce déclin pourrait être associé à une perte presque totale de stabilité de l’AMOC au cours du siècle dernier, et que l’AMOC pourrait être proche d’une transition critique vers son mode de circulation faible », a conclu l’étude, en considérant tous les facteurs de ralentissement.

Quelles seront les conséquences ?

Les impacts de l’effondrement de l’AMOC se produiront « en cascade », prévoit l’étude. Les moussons, la forêt amazonienne et la calotte glaciaire de l’Antarctique en subiraient les conséquences. Le Gulf Stream a aussi un grand rôle dans la régulation des températures terrestres. « L’inquiétude qu’on a en ce moment, c’est que si cette boucle ralentit, elle va transporter moins de chaleur vers le Nord. Ça va affecter en particulier l’Europe, surtout l’Europe du Nord », explique Jean-Pierre Blanchet. Ce phénomène pourrait contribuer à contrebalancer l’effet de serre. « [Les systèmes ne] sont pas indépendants les uns des autres. L’effet de serre réchauffe les régions nordiques, et ça favorise le ralentissement de la boucle de convoyage [Gulf Stream], qui, lui, pourrait déclencher éventuellement une ère glaciaire », détaille le professeur.

À quoi peut-on s’attendre au Québec ?

Le Gulf Stream a une influence sur les côtes canadiennes, mais « dans une moindre mesure », explique Jean-Pierre Blanchet. « On est plus influencés [au Québec] par le courant du Labrador, qui est froid et qui redescend », ajoute-t-il. La côte est du Canada pourrait donc connaître un léger refroidissement du climat. « Nos choix sur la consommation de produits pétroliers et les émissions de gaz à effet de serre, c’est ce que ça fait : ça dérègle le climat en changeant les systèmes dynamiques », dit M. Blanchet, en résumant les perturbations que subit le Gulf Stream.

Une conclusion qui ne fait pas l’unanimité

L’hypothèse de l’effondrement du Gulf Stream ne fait pas l’unanimité au sein de la communauté scientifique. Certains entrevoient plutôt une diminution de l’AMOC. « L’AMOC va très probablement s’affaiblir au cours du XXIe siècle [confiance élevée en la justesse de cette prévision], bien qu’un effondrement soit très peu probable (confiance moyenne) », avait plutôt conclu le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), dans son rapport sur les océans. Un déclin de l’AMOC aurait aussi des conséquences majeures sur le climat.

En chiffres

300 m

Profondeur à laquelle les vents n’ont plus d’influence sur les courants marins.

10 %

Proportion de l’océan influencée par les courants de surface (menés par la force des vents).

500 ans

On estime que l’eau en surface est renouvelée tous les 50 ans. Dans les profondeurs de l’océan, 500 ans sont nécessaires pour que l’eau soit complètement brassée.

Source : Agence Science-Presse