(New York) Le Titanic est en train de disparaître.

Le légendaire paquebot qui a été envoyé au fond de l’océan par un iceberg est en train d’être achevé par des bactéries qui le rongent : l’épave est criblée de trous, son nid-de-pie a déjà été emporté et la balustrade le long de la proue bien connue pourrait tomber à tout moment.

Confrontée à l’inévitable, l’expédition qu’entamera sous peu une compagnie d’exploration sous-marine pourrait devenir une visite annuelle pour documenter la détérioration du navire. Avec l’aide de touristes bien nantis, des experts espèrent en apprendre plus au sujet du paquebot et des écosystèmes sous-marins auxquels donnent naissance des épaves.

« L’océan est en train de reprendre cette chose, et nous devons le documenter avant que ça disparaisse complètement ou devienne méconnaissable », a dit Stockton Rush, le président d’OceanGate Expeditions, à bord d’un navire qui se dirigeait vers le site du naufrage dans l’Atlantique Nord.

Le paquebot vieux de 109 ans est malmené par les violents courants marins et par des bactéries qui gobent des centaines de kilos de fer par jour. Certains prédisent la disparition du navire d’ici quelques décennies.

PHOTO ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le Titanic quittant le port de Southampton, le 10 avril 1912.

Depuis la découverte du Titanic en 1985, son mât avant, haut de 30 mètres, s’est effondré. Le nid-de-pie à partir duquel la vigie a crié « Iceberg, droit devant ! » est disparu. Et la dunette sur laquelle les passagers se sont assemblés pendant que le navire coulait a implosé.

Le gymnase situé près du grand escalier a subi le même sort. En 2019, une expédition a découvert que la sinistre baignoire du capitaine, qu’on pouvait apercevoir depuis l’effondrement du mur extérieur de sa cabine, n’existe plus.

« À un moment, on s’attend à ce que la balustrade de la proue, qui est très connue, finisse par s’effondrer », a dit M. Rush.

La compagnie a monté des caméras en haute définition et des sonars à multiples faisceaux à bord de son submersible de fibre et de titane, a dit M. Rush. Cartographier la décomposition pourra aider les chercheurs à prédire le sort d’autres épaves, dont celles qui ont coulé pendant les deux guerres mondiales.

PHOTO FOURNIE PAR OCEANGATE EXPEDITIONS VIA AP

Le submersible Titan utilisé par OceanGate

OceanGate compte également documenter la vie marine du site, comme les crabes et les coraux. Des centaines d’espèces n’ont jamais été vues ailleurs que sur l’épave du Titanic, selon M. Rush.

On se concentrera aussi sur le champ de débris et sur ses artéfacts. David Concannon, un conseiller d’OceanGate qui a participé à plusieurs expéditions vers le Titanic, a raconté avoir déjà suivi sur deux kilomètres la trace de débris et de petits objets personnels, comme des malles et des chaussures.

Des archéologues et des biologistes marins participeront à l’expédition. Mais OceanGate emmène aussi une quarantaine de personnes qui ont acheté le privilège d’y participer. Ils plongeront à tour de rôle à bord du sous-marin de cinq personnes et on leur confiera différentes tâches.

Ils financent l’expédition en versant chacun entre 100 000 $ US et 150 000 $ US.

OceanGate ne récupérera rien sur place, rendant cette expédition nettement moins controversée que celle (maintenant abandonnée) d’une autre entreprise qui voulait remonter la radio du Titanic.

RMS Titanic, la compagnie qui détient les droits de sauvetage de l’épave, souhaitait présenter au monde la radio à partir de laquelle le Titanic a lancé ses appels de détresse. L’idée a toutefois déclenché une querelle juridique avec le gouvernement américain l’an dernier. Washington estimait que l’expédition contreviendrait à une loi fédérale et à une entente avec Londres de laisser l’épave telle quelle, puisqu’il s’agit d’une tombe.

Seulement environ 700 des quelque 2200 passagers et membres d’équipage qui se trouvaient à bord ont survécu quand le paquebot a coulé après avoir frappé un iceberg en 1912.

La bataille a pris fin quand la compagnie a suspendu son projet indéfiniment en raison de complications associées à la COVID-19.