Même avec une volonté de devenir professeures et des qualifications au moins équivalentes à leurs collègues masculins, les doctorantes en archéologie au Canada sont moins nombreuses à être embauchées comme professeures, conclut une étude de l’Université McGill.

Dans leur récente étude publiée dans la revue « American Antiquity », Lisa Overholtzer et Catherine Jalbert ont examiné une cohorte d’étudiants de 2003 à 2017 et elles ont découvert que parmi les hommes doctorants au Canada, 36 % ont un poste de professeurs dans une université du pays. En revanche, 12 % seulement des femmes avaient été embauchées.

Certaines des doctorantes à l’étude ont choisi d’aller enseigner aux États-Unis, mais ça ne comble pas tout l’écart, a souligné Mme Overholtzer en entrevue.

« Ce n’est pas que les femmes ne veulent pas devenir professeurs, ce n’est pas que les femmes manquent de qualifications, ou un problème selon lequel les femmes publieraient moins, parce qu’elles obtiennent ces bons emplois aux États-Unis », a précisé celle qui est professeure adjointe à la Faculté d’anthropologie de l’Université McGill.

L’autrice affirme que le même phénomène a été observé dans d’autres départements. « L’archéologie se trouve plutôt dans la moyenne, il y en a qui sont mieux, d’autres qui sont pires », a-t-elle indiqué.

Selon elle, un manque de mentorat – du fait que les femmes ne soient pas formées de la même manière – pourrait expliquer la situation, mais il pourrait y avoir aussi un biais à l’embauche.

Une autre possible raison que Mme Overholtzer tenait à mentionner : l’inconduite sexuelle.

« C’est quelque chose que les femmes vivent de façon disproportionnée, a-t-elle indiqué. C’est très possible que l’inconduite sexuelle repousse plusieurs femmes de la discipline. Elles décident qu’elles veulent partir. »

Autre observation des chercheuses : les femmes doctorantes semblent plus trouver leur compte aux États-Unis. Sur les doctorants qui ont obtenu leur diplôme dans la période étudiée, dix femmes ont trouvé un emploi dans le milieu universitaire américain, comparativement à deux hommes.

Par quoi expliquer cette différence ? Ce n’est certainement pas une indication que les États-Unis sont plus paritaires dans leurs embauches, avance l’autrice.

« De récentes recherches aux États-Unis ont découvert que les femmes étaient sous-représentées dans les facultés. Ce n’est pas comme si les États-Unis étaient ce paysage utopique », a-t-elle déclaré.

Il y a probablement une explication dans le fait que le marché du travail est plus vaste pour que les doctorantes se trouvent un emploi, remarque Mme Overholtzer. Elle ajoute que certaines grandes institutions ont l’habitude d’aller chercher les meilleurs dans leur milieu, donc parfois des femmes.

Comme solution à court terme, la spécialiste suggère d’inclure dans les subventions aux chercheurs des frais de voyage pour les enfants lorsque leur parent doit se déplacer.

« Ça enverrait un message clair aux femmes qu’on peut avoir une famille et être une archéologue et une universitaire », croit Mme Overholtzer.

À plus long terme, les universités devraient réfléchir à leur processus d’embauche, pour s’assurer qu’il n’ait pas de biais implicite.

Mais un changement de culture plus profond doit être effectué, ajoute-t-elle. Par exemple, lorsqu’elles font des conférences, les femmes sont interrompues plus souvent et font face à plus d’hostilités de la part de leurs collègues masculins.

« Ce genre d’expérience peut repousser les femmes », affirme-t-elle.

Mme Overholtzer soupçonne par ailleurs que l’écart entre les hommes et les femmes va s’accroître dans la foulée de la pandémie, notamment parce que beaucoup de ces étudiantes se sont occupées de leur famille pendant cette période.

L’autrice souligne que certaines recherches démontrent que la pandémie s’est répercutée davantage sur les mères de minorités visibles, qui ont eu moins de temps pour la recherche et l’écriture. En revanche, les hommes blancs sans enfants se sont retrouvés avec plus de temps.