Le vent du large donne aux promenades sur les plages un air salin vivifiant. Il amène aussi des particules de microplastique s’échappant des embruns, selon une nouvelle étude franco-britannique.

« Nous avons détecté des microplastiques dans le vent des plages de l’Aquitaine », expliquent les auteurs principaux de l’étude publiée mardi dans la revue PloS One, Deonie et Steven Allen, de l’Université de Strathclyde, près de Glasgow. « Les microplastiques sont éjectés des vagues quand elles s’entrechoquent et causent de la turbulence, comme les autres gouttes d’eau salée qui se retrouvent dans le vent du large. Il s’agit d’une proportion non négligeable de la quantité de microplastiques dans l’atmosphère. Le même phénomène doit se produire dans les grands cours d’eau douce, particulièrement quand il y a des rapides. »

Selon les calculs du couple de chercheurs écossais, qui a travaillé avec des collègues de l’Université de Toulouse, 10 % du plastique présent à la surface des océans retourne sur terre de cette manière. « Ça explique une partie du mystère du plastique dans les océans, dit M. Allen. On en mesure beaucoup moins que la quantité totale de plastique qui entre dans les océans chaque année. »

Les Allen sont des spécialistes des microplastiques aériens. L’an dernier dans la revue Nature Geoscience, ils avaient montré pour la première fois leur transport atmosphérique. Ils en avaient trouvé au milieu des Pyrénées françaises, au sud de Toulouse, à 1425 mètres d’altitude. Le plus proche village, Vicdessos, se trouvait à 6 km de là, et la ville de Foix, qui compte 10 000 habitants, à 25 km, ce qui signifiait que les microplastiques arrivaient de beaucoup plus loin par voie éolienne.

Les microplastiques des vents marins voyagent vraisemblablement beaucoup plus loin que les rives. « Le sel de mer peut arriver dans les vents à une altitude de 10 000 mètres, ce qui signifie qu’il peut aller partout dans le monde », dit Mme Allen.

Peut-il y avoir une synergie entre les ions salins des vents marins et les microplastiques, qui les rendent plus dommageables pour la santé ? « On ignore pour le moment les risques concrets des microplastiques pour la santé humaine et animale, dit Mme Allen. Plusieurs équipes se penchent sur la question et jusqu’à maintenant, les seuls résultats ont été obtenus en laboratoire. »

Le couple de biologistes écossais, qui a fait l’entrevue avec La Presse depuis le camp de bergers où il passe son confinement, au son des bêlements des brebis, devait normalement s’envoler cet été pour l’Himalaya, un projet devenu incertain à cause de la pandémie. « Nous voulons voir la quantité de microplastiques amenés par les vents à la base de l’Everest, dit Mme Allen. Nous allons aussi voir en laboratoire comment les microplastiques peuvent s’échapper d’un plan d’eau dans les bulles créées par les turbulences du liquide. »

Les travaux des Allen font des petits. Cet hiver, des chercheurs de l’Université Columbia, à New York, ont lancé un projet de science citoyenne, X-Snow, pour mesurer la quantité de microplastiques dans la neige en fonction de différentes variables, dont son humidité et sa granulosité.

EN CHIFFRES

275 millions de tonnes

Quantité de plastique produite chaque année dans le monde

8 millions de tonnes

Quantité de plastique entrant dans les océans chaque année

136 000 tonnes

Quantité de microplastiques flottant à la surface des océans

1,3 million de tonnes

Quantité de microplastiques flottant sous la surface des océans

14 000 tonnes

Quantité de microplastiques des océans revenant sur terre par les vents marins

Sources : Science, Université de Strathclyde