Les projets de retours d’échantillons extraterrestres se multiplient ces derniers temps. Cet automne, une sonde américaine s’est posée sur un astéroïde et une sonde chinoise l’a fait sur la Lune. Samedi, une sonde nipponne – Hayabusa-2 – a largué sur l’Australie des échantillons d’un astéroïde qui pourraient dévoiler des éléments essentiels à la naissance de la vie sur Terre. Une première.

Deux sondes, deux types d’astéroïdes

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Photo de Ryugu prise par Hayabusa-2

Hayabusa-2 a rapporté 10 grammes de Ryugu, astéroïde de type C – qui contient de la matière organique, des éléments essentiels à la vie –, ce qui pourrait aider à élucider le mystère de l’apparition de la vie sur Terre. C’est la première fois que des échantillons de cette nature sont rapportés ici : en 2005, Hayabusa-1 avait connu des pépins lors du prélèvement d’un échantillon de l’astéroïde Itokawa, dont elle n’a ramené qu’un microgramme en 2010. De son côté, OSIRIS-REx, une sonde américaine, a pour sa part prélevé un échantillon de l’astéroïde Bennu (de type S, sans matière organique) en novembre dernier et ne sera de retour qu’en 2023. Les premiers retours robotisés d’échantillons extraterrestres ont été faits par des sondes Luna soviétiques dans les années 70.

Un danger pour la Terre ?

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La sonde Genesis s’est écrasée dans l’Utah en 2004.

La multiplication des missions de retour d’échantillons a incité la NASA à relancer son étude des dangers qu’ils posent. « Quand on avait rapporté des échantillons lunaires dans les années 70, on avait fait tous les tests possibles à cette époque », explique Andy Spry, le chef du projet de protection planétaire à l’Institut de recherche d’intelligence extraterrestre (SETI), une ONG qui traque les exoplanètes depuis 1984 et a été chargée par la NASA de cette tâche. Mais les outils sont plus précis maintenant, et l’on pourra détecter s’il y a des microbes dans les échantillons extraterrestres (grâce à la réaction en chaîne polymérase qui permet de dupliquer rapidement les particules vivantes). En 2004, une sonde américaine, Genesis, s’est écrasée parce que son parachute ne s’est pas ouvert. Le problème qui a causé l’écrasement de Genesis aurait-il pu contaminer la Terre ? « Non, il s’agissait de vent solaire, on ne pensait pas qu’il y avait un danger », dit M. Spry. Une partie des échantillons que contenait Genesis et qui ont pu être sauvés auraient pu, eux, être contaminés lors de l’accident. « On a réussi à faire la part des choses et à quand même faire de la science avec ce qui restait des échantillons de Genesis », note toutefois M. Spry.

Et le tourisme martien ?

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Illustration montrant une sonde européenne lançant vers un orbiteur une capsule recueillie par la sonde américaine Perseverance

Et le retour d’échantillons martiens ? Un rapport de la NASA vient de chiffrer le coût de cette mission, qui impliquera la sonde Perseverance, dont l’arrivée sur la planète rouge aura lieu en février, ainsi qu’une sonde européenne planifiée, à 1 milliard de dollars. « On va évaluer leur risque pour la Terre, mais aussi le risque que la vie terrestre contamine la vie martienne, dit M. Spry. S’il y a des microbes sur Mars et qu’ils sont similaires à ceux de la Terre, il n’y a pas trop de problèmes. Mais si la vie sur Mars est très différente, il faudra trouver une manière pour que les premiers astronautes à visiter Mars ne la contaminent pas. Comme le retour d’échantillons martiens est prévu pour 2031, et une mission humaine, pour 2038, ça nous laisse du temps pour y penser. » Pourrait-on envisager de renoncer à une mission humaine sur Mars pour y protéger une vie extraterrestre exceptionnelle ? « Non, je ne crois pas, mais on pourrait décider de ne pas ouvrir Mars aux touristes. »

Des mines d’or dans l’espace ?

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Illustration d’une capture d’astéroïde dans le but d’exploiter son minerai

L’autre intérêt des retours d’échantillons extraterrestres est de développer le secteur minier spatial. La NASA multiplie les subventions pour des sociétés minières extraterrestres, dont certaines ont été fondées par des multimilliardaires convaincus que l’humanité fondera éventuellement des colonies dans l’espace, comme Jeff Bezos, d’Amazon, et Elon Musk, de Tesla et SpaceX. La compagnie américaine TransAstra prévoit de tester d’ici deux ans en orbite terrestre une stratégie de capture d’astéroïde dans le but d’en exploiter des minerais. La sonde MiniBee de TransAstra capturera un faux astéroïde envoyé par une autre compagnie en orbite et testera une technique minière optique (optical mining), qui consiste à concentrer les rayons du Soleil pour vaporiser la surface d’un astéroïde et en séparer les éléments.

Une mission prolongée

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Illustration de Hayabusa-2 au-dessus de Ryugu

Maintenant qu’elle a largué sa cargaison sur Terre depuis l’espace, Hayabusa-2 va continuer sa course vers deux autres astéroïdes, l’un qui sera survolé à haute vitesse et un autre autour duquel la sonde japonaise se mettra en orbite en 2031. Hayabusa-2 va aussi chercher dans notre système solaire des astéroïdes non détectés qui pourraient frapper la Terre et entraîner des dommages, c’est-à-dire avec un diamètre supérieur à 10 m. Elle essaiera aussi de détecter de nouvelles exoplanètes.

Hayabusa et OSIRIS-REx en chiffres

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Illustration d’OSIRIS-REx

1 microgramme (millionième de gramme) : quantité d’échantillon d’astéroïde rapporté par Hayabusa-1

10 g : quantité d’échantillon d’astéroïde rapporté par Hayabusa-2

60 g : quantité d’échantillon d’astéroïde qui devait être prélevé par OSIRIS-REx

400 g : quantité d’échantillon d’astéroïde qui a été prélevé par OSIRIS-REx

10 microgrammes : quantité de particules de vent solaire rapportées sur Terre par Genesis

326 g : quantité de sol lunaire rapporté par trois missions robotiques soviétiques

382 kg : quantité de sol lunaire rapporté par six missions habitées américaines

2 kg : quantité de sol lunaire qui sera rapporté par Chang’e 5 fin décembre

Source : La NASA