Pour estimer quelles exoplanètes pourraient abriter la vie, les astronomes prennent généralement l’exemple de la Terre, avec ses ciels souvent bleus. La vie pourrait cependant exister sur des planètes à l’atmosphère constamment poussiéreuse, comme dans le roman Dune, qui sera bientôt porté à l’écran par Denis Villeneuve. Ce changement d’approche pourrait étendre la possibilité de trouver des zones habitables autour d’autres étoiles.

Tempérer les extrêmes

PHOTO FOURNIE PAR LA NASA

Impression d’artiste d’une tempête de sable sur Mars

« Une atmosphère contenant beaucoup de poussière réagit différemment », explique l’un des auteurs de l’étude publiée en juin dans la revue Nature Communications, Robert Ridgway de l’Université d’Exeter. « Quand la planète est très proche de son étoile, elle est en rotation synchrone [tidal lock]. Elle montre toujours la même face à son étoile. Il y a donc d’énormes différences de température d’une face à l’autre. La poussière permet de répartir l’énergie partout sur la planète plus efficacement qu’une atmosphère sans poussière. Il y a donc moins de différences de température. Et plus, la poussière bloque les rayons des étoiles, diminue la chaleur sur la face exposée à l’étoile. Quand une planète est située plus loin de son étoile, la poussière peut aider à retenir la chaleur la nuit. Tout cela étend la zone habitable d’une étoile, où pourrait émerger la vie. »

Plus difficiles à détecter

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Un tourbillon de poussière (dust devil) de plus de 600 mètres de long croqué sur Mars par la sonde Mars Reconnaissance Orbiter

Les exoplanètes poussiéreuses comportent toutefois un grand défi : il sera plus difficile d’étudier leur atmosphère. « Il n’y a pas eu pour le moment d’observation d’oxygène dans l’atmosphère d’exoplanètes, mais les nouveaux télescopes qui vont entrer en service dans les prochaines années vont le permettre, dit M. Ridgway. Mais avec suffisamment de poussière dans l’atmosphère, même ces nouveaux instruments ne pourront pas mesurer l’oxygène. Il faudra faire beaucoup d’observations de transit de l’exoplanète devant son étoile, peut-être une trentaine. Étant donné la concurrence qui existe entre les douzaines d’équipes étudiant les transits d’exoplanètes, il va être difficile d’avoir autant de temps de télescope. » M. Ridgway est un spécialiste de l’observation des exoatmosphères et a été impliqué dans l’étude parce que ses auteurs voulaient montrer que la bonne nouvelle — la zone habitable des exoplanètes est plus étendue que prévu — comporte un côté sombre, la difficulté de détection. Une atmosphère poussiéreuse contenant de la vapeur d’eau, de l’oxygène, de l’ozone, du méthane et du CO2 pourrait avoir la même signature qu’une atmosphère sans poussière ne contenant que de l’azote et du CO2.

Vénus et Mars

PHOTO FOURNIE PAR LA NASA

Image de Vénus croquée en 1982 par la sonde soviétique Venera 13

Mars est bien évidemment l’exemple le plus connu d’une planète poussiéreuse. La planète rouge connaît parfois des tempêtes de sable qui recouvrent l’ensemble de sa surface pendant des semaines. Mais plusieurs études ont avancé, dans les dernières années, que Vénus abritait jusqu’à relativement récemment (715 millions d’années) un océan d’eau protégé par une atmosphère poussiéreuse, même si elle reçoit jusqu’à 70 % plus de radiations solaires que la Terre. Aujourd’hui, la température sur Vénus frise les 500 degrés Celsius et son atmosphère est 90 fois plus dense que la nôtre. En 2016, les Geophysical Research Letters avaient publié une étude intitulée « Est-ce que Vénus a été la première planète habitable de notre système solaire ? »

La poussière sur Terre

Les deux tiers de la poussière qui est soulevée par les tempêtes de sable sur Terre proviennent du Sahara. Ces tempêtes de sable jouent un rôle crucial dans la formation des ouragans au large de l’Afrique de l’Ouest. En 2018, une étude américaine publiée dans la revue Nature Communications estimait que l’effet planétaire des tempêtes de sable au-dessus des déserts était potentiellement comparable à celui des nuages, ce qui signifie que leur effet est 10 fois plus important que les nuages dans certaines régions, contrant en partie le réchauffement de la planète en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et en Asie centrale.

La topographie des exoplanètes

L’étude de la poussière dans les exoatmosphère s’inscrit dans un intérêt général pour la topographie des exoplanètes. La présence d’un océan est bien évidemment très importante pour l’apparition de la vie, mais ces masses d’eau ont un effet climatique aussi important. De l’autre côté, la stabilisation de la concentration de CO2 dans une exoatmosphère, essentielle pour avoir une gamme de températures stable, dépend en grande partie du cycle de captation du CO2 par les roches. L’étude de l’Université d’Exeter publiée en juin dans Nature Communications note qu’une présence importante de poussière dans une exoatmosphère refléterait un faible couvert de végétation.

Les planètes poussiéreuses au cinéma

ILLUSTRATION JOHN SCHOENHERR

Représentation des vers des sables du roman Dune de Frank Herbert par l’illustrateur américain John Schoenherr, dans les années 60.

Arrakis : cette planète du roman Dune de Frank Herbert, qui a été adapté au cinéma en 1984 par David Lynch et le sera de nouveau en décembre prochain par Denis Villeneuve, est secouée par des tempêtes de sable où les vents peuvent atteindre 700 km/h.

IMAGE TIRÉE DU FILM STAR WARS

Tatooine

Tatooine : la planète d’origine de Luke Skywalker dans Star Wars a des tempêtes de sable moins dévastatrices qu’Arrakis, mais est tout aussi aride.

IMAGE TIRÉE DU FILM THE MARTIAN

The Martian : les premières images de Mars par les sondes Viking dans les années 70 ont suscité beaucoup d’intérêt pour les planètes poussiéreuses. Dans The Martian, le personnage de Matt Damon est abandonné sur Mars durant une tempête de sable qui compromet le lancement de la capsule devant le ramener sur Terre.

La poussière sur Mars et sur la Terre

500 mégatonnes : quantité de poussière soulevée par les tempêtes de sable chaque année sur Mars

1500 mégatonnes : quantité de poussière soulevée par les tempêtes de sable chaque année sur Terre, qui a un volume six fois plus grand que Mars

Sources : NASA, TROPOS