Des chercheurs de Sherbrooke ont mis au point une boisson « cétogène », forte en gras, pour ralentir la progression d’un déficit cognitif soupçonné d’annoncer la maladie d’Alzheimer. Les premiers résultats sont encourageants.

Nourriture pour neurones

« Le cerveau est comme une voiture hybride », explique Stephen Cunnane, physiologiste de l’Université de Sherbrooke et auteur principal de l’étude publiée en mai dans la revue Alzheimer’s and Dementia. « Il utilise généralement un carburant, le glucose, mais s’il en manque, il utilise du carburant cétogène [des acides gras]. On sait que la maladie d’Alzheimer s’accompagne d’une diminution de la consommation de glucose par le cerveau. Les données montrent que la baisse d’utilisation de glucose commence avant la maladie. J’ai postulé que s’il y a davantage de carburant cétogène, la maladie progresse moins vite parce que les neurones ont de quoi se nourrir et meurent en moins grand nombre. » M. Cunnane travaille sur le sujet depuis les années 90, d’abord à Toronto puis depuis 2003 à Sherbrooke. Une seule équipe travaille sur le sujet ailleurs dans le monde, selon lui, à Wake Forest, en Caroline du Nord. Les cobayes ont-ils dû suivre un régime ? « La boisson cétogène apportait 300 kilocalories, mais ils n’ont pas pris de poids, alors on présume qu’ils ont réduit certains autres apports alimentaires. »

Déficit cognitif léger

L’étude regroupe 52 personnes, dont la moitié ont pris une boisson cétogène, puis ont été suivies pendant six mois. Il s’agissait de patients atteints de déficit cognitif léger, un diagnostic qui, dans la moitié des cas, mène à l’alzheimer en moins de cinq ans. « Comme on avait peu de participants, on voit un effet au niveau cognitif, mais il n’est pas statistiquement significatif, dit M. Cunnane. On voit aussi une forte augmentation du métabolisme cétogène dans le cerveau. » Les premiers résultats laissent-ils penser qu’il sera possible de diminuer la proportion de patients atteints de déficit cognitif léger qui progressent vers l’alzheimer ? « C’est trop tôt pour le dire, dit M. Cunnane. Nous pensons que ça sera plutôt un élément parmi tant d’autres pour ralentir la progression ou l’apparition de la maladie. On pourrait aussi réessayer certains médicaments qui n’ont pas fonctionné, peut-être par manque de carburant cétogène. »

Commercialisation aux États-Unis

Le grand avantage d’une boisson cétogène est que ses effets secondaires sont connus et mineurs, selon M. Cunnane. La prochaine étape est de faire le même essai sur 100 cobayes. Les résultats seront connus en décembre. Ensuite, il faudra faire un essai à plus long terme sur 500 cobayes dans trois villes québécoises. « Nous avons un partenaire commercial, dont nous ne pouvons pour le moment dévoiler l’identité, qui planifie une commercialisation aux États-Unis si les résultats de décembre sont positifs, dit M. Cunnane. Les compagnies d’assurances médicales aux États-Unis remboursent souvent les aliments thérapeutiques. »