Son sourire au moment de retirer son casque n'avait laissé aucun doute : l'astronaute québécois David Saint-Jacques a savouré chaque minute de la sortie spatiale qu'il a réalisée lundi. Hier, lors d'une conférence de presse donnée de la Station spatiale internationale, il a décrit un exercice aussi éprouvant qu'un marathon, mais qui l'a tant enthousiasmé qu'il a peiné à dormir la nuit suivante. Retour sur sa sortie en cinq mots.

Clin d'oeil

David Saint-Jacques se souviendra toujours du moment où il a émergé du sas de la Station spatiale internationale pour flotter librement dans l'espace pour la première fois. Anne McClain, sa collègue américaine, était sortie avant lui et l'y attendait. « C'était la nuit, a raconté hier l'astronaute de la Station spatiale internationale. On ne voyait pas vraiment la Terre, mais c'était le lever du Soleil. Je commençais à voir la ligne bleu, rouge, orange, avec la courbe de la Terre à l'horizon. Anne avait un grand sourire et m'a fait un clin d'oeil. J'ai compris que j'étais rendu là, qu'on était dans l'espace. Cette image-là est restée imprimée dans mon esprit et je pense qu'elle ne va jamais s'effacer. »

Miracle

David Saint-Jacques a utilisé à quelques reprises le mot « miracle » pour décrire le fait de flotter dans le vide spatial, alors que seule la paroi de son scaphandre le séparait de cet environnement hostile. Pendant la conférence de presse, l'astronaute a d'ailleurs exhibé sa combinaison, qui flottait à côté de lui, pour en montrer les différents éléments. Attaché à l'un des bras se trouvait un carnet contenant des instructions... et des photos de sa famille.

« Il y a un sentiment d'humilité de se sentir en vie par miracle dans un environnement pareil, a-t-il dit. C'est comme si l'esprit humain arrivait à aller au-delà de la fragilité par sa créativité, son inventivité. J'ai trouvé ça touchant de me retrouver, petit satellite de conscience humaine, en orbite autour de la Terre, dans l'espace, maintenu en vie grâce au génie humain, à la collaboration internationale immense qui est derrière ça. Ça me rendait fier de ce qu'on peut accomplir, les êtres humains, quand on se met à la tâche. »

Joie

Avec une plaque de batterie à déplacer, un système de communication à installer, un circuit électrique à brancher et une plateforme extérieure à installer, David Saint-Jacques avait un horaire particulièrement chargé pendant sa sortie.

« Chaque moment est chorégraphié et déterminé d'avance. On a plein de travail à faire et nulle part dans la séquence il n'y a de blocs pour la philosophie. Mais on prend le temps de regarder autour et d'absorber ça. Honnêtement, je suis sûr que ça va me prendre encore des semaines, des mois, peut-être des années à absorber l'expérience. J'ai eu quelques moments de lucidité entre deux tâches, deux connecteurs ou deux déplacements », a-t-il raconté. « La sortie d'avant-hier, pour moi, c'était de l'or, a-t-il ajouté. C'est du travail dur, mais, en même temps, de la pure joie. »

Fatigue

En matière de dépense énergétique, David Saint-Jacques a comparé une sortie spatiale à un marathon. Il a toutefois trouvé l'expérience plus facile que lors des entraînements en piscine, au cours desquels il devait combattre la résistance de l'eau.

« Dans l'espace, on bouge plus librement, a expliqué l'astronaute. On a l'air d'aller très lentement, mais il y a une grande tension interne parce qu'on veut contrôler nos mouvements. Mais c'est surtout psychologiquement que c'est épuisant. Même si c'est fantastique comme expérience, on a une grande sensibilité au fait que c'est très dangereux. Notre subconscient se rend bien compte qu'on est dans un environnement absolument extrême, qu'on est là un peu par miracle, en fait. Ça finit par être un peu fatigant. »

« Il y a comme une vague d'énergie presque cachée, et on se découvre des capacités qu'on ne pensait pas avoir quand on est tellement enthousiaste », a-t-il aussi dit.

Il avoue avoir ressenti un certain vertige en voyant la Terre tourner sous lui. « La première fois, il a fallu que mon esprit s'ajuste. La raison a pris le dessus pour dire : c'est correct, tu es en orbite toi aussi, tu ne vas pas tomber », a-t-il raconté.

Il dit s'être retrouvé « dans un drôle d'état » en regagnant la Station spatiale internationale après 6 heures et 29 minutes à l'extérieur. « J'étais très heureux de l'expérience, mais j'étais dans un tel état d'adrénaline que ç'a été difficile de dormir cette nuit-là, même si j'étais fatigué », a-t-il dit.

Confortable

Maintenant parvenu aux deux tiers de sa mission d'un peu plus de six mois dans l'espace, David Saint-Jacques a dit s'être tellement habitué à vivre en apesanteur qu'il en vient à considérer sa vie comme normale.

« Au début, c'était incroyable de se sentir à bord de la Station. On avait constamment conscience du danger qui nous entoure. [...] Mais l'esprit humain est comme ça : on s'habitue. Maintenant, on pense à l'intérieur de la Station comme l'endroit le plus sécuritaire que l'on connaisse », a-t-il dit.

Il reste pourtant encore beaucoup de boulot à accomplir à bord, dont de nombreuses expériences scientifiques et la capture des vaisseaux-cargos à l'aide du bras canadien. David Saint-Jacques a aussi parlé de son retour sur Terre, prévu pour juin, comme l'un des moments les plus dangereux de toute sa mission.

« C'est facile d'être complaisant, d'oublier le danger qui nous entoure, a-t-il souligné. Il faut rester à l'affût. Le défi est d'en profiter et de ne pas baisser la garde. »

PHOTO RYAN REMIORZ, LA PRESSE CANADIENNE

Avec une plaque de batterie à déplacer, un système de communication à installer, un circuit électrique à brancher et une plateforme extérieure à installer, David Saint-Jacques avait un horaire particulièrement chargé pendant sa sortie.