Le VIH est comme une boîte de conserve. À l'intérieur se dissimule un point faible que le système immunitaire des gens infectés est capable de reconnaître et d'attaquer. Le hic : le virus, conscient de cette vulnérabilité, se ferme et la garde toujours cachée.

Mais voilà qu'une équipe internationale de chercheurs, dont certains rattachés au Centre de recherche du CHUM, a montré qu'on peut ouvrir cette boîte de conserve grâce à ce que les scientifiques appellent un « ouvre-boîte moléculaire ». Cela permet d'exposer les vulnérabilités du virus au grand jour.

« Quand on fait ça, les anticorps, qui étaient incapables de faire quoi que ce soit, peuvent maintenant agir. A priori, tout serait en place pour éliminer la cellule infectée. Mais il faut rester prudent, car nous sommes encore à l'étape des travaux fondamentaux en laboratoire », dit à La Presse Andrés Finzi, l'un des auteurs de l'étude, qui est chercheur au Centre de recherche du CHUM et professeur à l'Université de Montréal.

Le fameux ouvre-boîte moléculaire capable d'ouvrir le VIH avait déjà été décrit par l'équipe dans des travaux de 2015. Il s'agit de molécules spéciales synthétisées à l'Université de Pennsylvanie et qui ressemblent aux CD4, ces cellules du système immunitaire que le VIH prend pour cible. Les chercheurs ont cette fois montré que ces molécules forcent en fait le virus à changer la configuration de son enveloppe d'une façon qui n'avait jamais été observée auparavant et qui expose ses vulnérabilités.

« C'est une configuration de l'enveloppe que le virus ne veut pas montrer, mais qu'on peut forcer », explique Andrés Finzi. En utilisant du sérum provenant de personnes infectées par le VIH, l'équipe a montré que leurs anticorps peuvent reconnaître une cellule infectée par le VIH lorsque l'enveloppe du virus se trouve sous cette forme. Ces anticorps sont même en mesure d'éliminer cette cellule infectée par un processus appelé « cytotoxicité à médiation cellulaire dépendante des anticorps ». L'approche ne fonctionne pas avec le sérum de personnes qui n'ont jamais été infectées.

Pour la première fois, l'équipe est aussi parvenue à cartographier la vulnérabilité se cachant à l'intérieur du VIH grâce à des outils sophistiqués d'imagerie.

« On savait qu'il y avait une clé, une vulnérabilité cachée par le VIH. Mais de quoi avait-elle l'air ? C'est ce qu'on voulait savoir et c'est la nouveauté de ce papier », explique Andrés Finzi à propos de l'article scientifique décrivant les travaux et publié dans le journal Cell Host & Microbe.

Le rêve de l'équipe est maintenant de transformer ces fameux ouvre-boîtes moléculaires en médicaments. En les administrant à un patient, on forcerait le VIH à exposer ses vulnérabilités, ce qui permettrait au système immunitaire de le repérer et de l'attaquer. L'avantage est que les vulnérabilités en question restent intactes quand le virus mute, ce qui fournirait un angle d'attaque constant malgré l'incroyable pouvoir de mutation du VIH.  

L'équipe vient d'obtenir du financement pour tester le concept sur les animaux. Il reste toutefois bien du boulot avant d'en arriver à un éventuel traitement basé sur cette approche. Il faut aussi garder en tête que le VIH, incroyablement habile, a déjoué bien des espoirs par le passé. Mais s'ils sont encore loin d'avoir remporté la guerre contre le VIH, les chercheurs se réjouissent d'y avoir découvert un rare point faible et d'avoir passé le mot à toute la communauté scientifique. On peut maintenant parier que bien des équipes dans le monde tenteront d'en profiter.