Les adolescents qui habitent une ville très polluée semblent plus susceptibles de présenter des symptômes de psychose que ceux qui habitent une région rurale, constatent des chercheurs britanniques dans les pages du journal médical JAMA Psychiatry.

Environ le tiers des quelque 2100 adolescents étudiés par les chercheurs du King's College London ont rapporté avoir ressenti de tels symptômes - comme le sentiment qu'on les épiait ou avoir entendu des voix que personne d'autre n'entendait - entre les âges de 12 et 18 ans. Ces jeunes, qui étaient répartis également entre hommes et femmes, habitaient des zones urbaines, semi-urbaines ou rurales.

Les chercheurs ont découvert que les symptômes de psychose étaient nettement plus fréquents chez les jeunes qui étaient les plus exposés à la pollution atmosphérique. Ainsi, une exposition au dioxyde d'azote augmentait le risque de symptômes de 71 %, une exposition aux oxydes d'azote de 72 % et une exposition aux particules PM2.5 de 45 %.

Les chercheurs mettent en cause des mécanismes biologiques (comme une inflammation du cerveau causée par des particules microscopiques ou les produits qui les enduisent) et psychosociaux (comme un stress associé au bruit qui perturbe le sommeil). L'association se maintient même en tenant compte de facteurs comme une histoire familiale de maladie mentale.

Les scientifiques sont bien évidemment incapables de conclure à un lien de causalité direct ; ils croient plutôt que la pollution atmosphérique est « un facteur contribuant au lien entre la vie en ville » et les symptômes de psychose.

« On ne peut pas tirer des conclusions solides d'une seule étude, a reconnu le psychiatre Marc-André Roy, qui enseigne à l'Université Laval. Mais quand on a une étude de qualité, qui donne des résultats relativement clairs... Moi, je trouve ça flabbergastant, c'est wow, c'est l'effet que ça me fait. »

Les chercheurs savent depuis plusieurs années qu'il y a une relation de dose à effet entre la proportion de l'enfance passée en ville et le risque de psychose à l'âge adulte : plus grande est cette proportion, plus grand est le risque de développer un trouble psychotique.

Cette étude ajoute une nouvelle composante à l'équation, à savoir les mesures de la pollution environnementale.

« Je trouve que le résultat est surprenant, a dit le docteur Roy. C'est sorti un petit peu de nulle part, comme association. On soupçonnait beaucoup plus des facteurs psychosociaux, pour l'association entre l'urbanicité et la psychose, donc qu'on en arrive à des polluants atmosphériques... c'est intéressant. »

Cela étant dit, poursuit-il, il est très clair « qu'il y a des phénomènes inflammatoires dans les maladies mentales ». Cette nouvelle étude apporte donc un peu d'eau au moulin en identifiant une des causes possibles de cette inflammation.

« Les deux hypothèses qu'ils nous offrent sont très plausibles à mon avis. L'inflammation augmente la perméabilité de la barrière hématoencéphalique. [...] C'est très, très plausible biologiquement », a dit le docteur Roy.

L'étude démontre aussi que les médecins n'auront d'autre choix que de commencer à tenir compte de l'impact des facteurs environnementaux sur la santé de leurs patients, croit-il.

« Je pense qu'on a de plus en plus de morceaux qui montrent que oui, il y a la médecine environnementale, mais je pense qu'on s'en va aussi vers la psychiatrie environnementale. Je pense qu'en tant que psychiatre on doit de plus en plus prendre en compte ces aspects-là », a-t-il prévenu.