Il n'y a pas que l'insuline dans le diabète. Il y a aussi le glucagon. Cette molécule moins connue était soupçonnée d'être une cause du diabète, et des chercheurs planchaient donc sur une manière de diminuer sa sécrétion. Mais une chercheuse de l'Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) vient de découvrir qu'au contraire, le glucagon prévient le diabète.

Quand le foie produit du sucre

Le diabète survient quand le foie produit trop de sucre et que sa concentration dans le sang devient toxique. L'insuline est la molécule qui dit au foie de cesser la fabrication de sucre. Le glucagon, lui, dit au foie d'en fabriquer lors des jeûnes, la nuit ou quand on saute un repas. « Pour cette raison, des chercheurs ont tenté d'utiliser des antagonistes du glucagon comme médicament contre le diabète », explique Jennifer Estall, de l'IRCM, qui est l'auteure principale d'une étude sur le sujet publiée dans la revue Proceedings of the Natural Academy of Sciences (PNAS). « Quand j'étais au doctorat, vers 2005-2006, on parlait beaucoup de ça. Mais ça n'a pas donné les résultats escomptés. » Par la suite, d'abord à Harvard puis à son propre laboratoire à l'IRCM, la biologiste montréalaise a concentré son attention sur une protéine qui gère l'expression du glucagon : PGC-1. Pour une raison simple : les diabétiques ont moins de PGC-1.

La lenteur de l'insuline

Dans l'expérience décrite dans PNAS, Mme Estall a enlevé à des rats de laboratoire la capacité de produire la protéine PGC-1. Pas de PGC-1, pas de glucagon. Le résultat a été éclairant : la concentration sanguine de sucre des cobayes a grimpé en flèche. « L'insuline a plusieurs rôles, elle ne gère pas seulement la production de sucre, mais aussi celle de gras. Sans le glucagon, l'insuline peut dire au foie de cesser de produire du sucre, mais pas assez rapidement. Il y aurait toujours un peu d'hyperglycémie après les repas. Le glucagon dit à l'insuline de communiquer rapidement au foie de ne plus produire du sucre. L'insuline fonctionne mieux. » Il y a quelques mois, d'autres chercheurs ont présenté dans la revue Diabetes l'effet positif du glucagon sur l'insuline, mais Mme Estall est la première à démontrer le mécanisme impliqué.

Muscles

Quelles sont les conséquences cliniques de cette avancée ? Évidemment, une nouvelle vague d'essais de molécules favorisant l'expression de PGC-1 et du glucagon. Mais aussi un boom du côté des recherches visant à favoriser la masse musculaire. « PGC-1 est importante dans plusieurs organes impliqués dans le métabolisme, et aussi dans les muscles, dit Mme Estall. Des recherches portent sur des médicaments encourageant l'expression de la protéine PGC-1, mais on craignait que ça augmente la production de sucre par le foie. Nos résultats montrent qu'on peut aller de l'avant pour les muscles sans craindre pour le sucre. » En d'autres mots, ces médicaments ne produiront pas des superathlètes diabétiques.