La rougeole est 10 fois plus mortelle que prévu, selon une nouvelle étude publiée dans Science jeudi. Le virus provoque une « amnésie immunitaire » en éliminant une partie de la mémoire du système immunitaire. Cela rend les enfants susceptibles de ravoir d’autres maladies qu’ils ont déjà eues. Cette annonce rend la vaccination encore plus importante.

La mémoire qui protège

En 2015, en épluchant les données historiques de la rougeole avant et après l’introduction de la vaccination aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Danemark, Michael Mina a remarqué que dans les années suivant cette introduction, la mortalité infantile baissait de moitié. « Et pourtant, seulement 5 % des décès infantiles étaient alors liés à la rougeole », explique l’épidémiologiste de l’Université Harvard. Quatre ans plus tard, une équipe internationale dont fait partie le Dr Mina publie trois études dans Science et Science Immunology qui démontrent pourquoi le vaccin contre la rougeole a cet effet 10 fois plus élevé que prévu. « La rougeole s’attaque à des cellules du système immunitaire qui se trouvent dans la moelle osseuse et gardent la mémoire des infections et des vaccins du passé », explique Stephen Elledge, un infectiologue de Harvard qui est aussi coauteur de l’étude. « C’est sa porte d’entrée dans le système. » En moyenne, la rougeole détruit 20 % des cellules gardiennes de cette mémoire, qui permet par exemple à un enfant qui a eu la varicelle de ne pas la ravoir. Mais certains des 77 patients néerlandais étudiés, qui vivent dans une communauté chrétienne conservatrice et ne sont pas vaccinés, ont vu leur quantité de cellules-mémoire baisser de plus de 75 %.

Des indices dès 1900

Le Dr Elledge a retrouvé des anecdotes médicales britanniques du début du XXe siècle, qui décrivaient des enfants ayant déjà eu la tuberculose, puis la rougeole, et par la suite ne répondaient pas aux tests de dépistage des anticorps de la tuberculose (un ancêtre du fameux tine test à quatre petites aiguilles).

Virscan chez les calvinistes

Quand il a fini son doctorat aux Pays-Bas et a déménagé à Harvard, le Dr Mina a commencé à travailler avec le Dr Elledge, car ce dernier avait mis au point un système de détection des anticorps témoins d’anciennes infections et de vaccins appelé Virscan. « On utilise un microlitre de sang, moins d’une goutte, alors c’est très pratique en recherche, dit le Dr Elledge. Michael avait des contacts dans une communauté calviniste aux Pays-Bas dont les membres ne font pas vacciner leurs enfants parce que c’est selon eux usurper le choix de Dieu quant à ceux qui tombent malades. Heureusement, Dieu est agnostique au sujet des études épidémiologiques, alors nous avons pu suivre 77 enfants n’ayant jamais eu la rougeole, et les tester de nouveau sept semaines après le diagnostic de rougeole. » La prochaine étape est un suivi à plus long terme, car des études chez le macaque montrent que la destruction des cellules-mémoire du système immunitaire dure au moins cinq mois.

Pays en voie de développement

Ces résultats sont importants dans le débat sur la vaccination dans les pays développés, selon les deux chercheurs de Boston. Mais ils sont encore plus cruciaux pour les pays en voie de développement, où un enfant atteint de la rougeole a plus de 1 % de risque de mourir, ce qui est 100 fois plus que dans les pays riches. Le nombre de cas de rougeole dans le monde a bondi de 30 % entre 2017 et 2018, notent les deux médecins de Harvard.

En chiffres

80 % des enfants ont la rougeole avant 5 ans dans un pays non vacciné

De 20 % à 25 % des cas de rougeole nécessitent une hospitalisation

1 cas de rougeole sur 10 000 est directement mortel dans un pays développé

Source : Université Harvard