« Dans de bonnes circonstances, être différent est un super-pouvoir », a récemment répliqué à ses détracteurs la jeune militante écologiste Greta Thunberg.

La jeune femme est atteinte du syndrome d’Asperger, une forme d’autisme. Elle a servi cette riposte sur Twitter à ceux qui s’en prennent à elle en raison de sa façon de s’exprimer ou de ses expressions faciales particulières.

« C’est tout à fait représentatif de l’exclusion que peuvent vivre plusieurs personnes dans le spectre autistique, a commenté le docteur Baudouin Forgeot d’Arc, un psychiatre et chercheur du CHU Sainte-Justine qui s’intéresse aux interactions sociales des personnes autistes. Si on s’attend à une communication typique, on peut trouver que la communication est étrange, mais ça ne veut pas du tout dire que le message n’est pas cohérent, au contraire. Ce sont souvent des personnes qui sont très logiques dans leur raisonnement. »

Il n’est en effet pas rare d’entendre les détracteurs de Mme Thunberg évoquer son autisme, comme si cela permettait du même souffle de décrédibiliser son message — un peu comme cela se produit lors de fusillades et qu’on s’empresse de mentionner la personnalité « solitaire » et « asociale » du tireur pour expliquer la tragédie, au lieu d’examiner les véritables enjeux.

Et même s’il hésite à porter un jugement clinique sur une patiente qu’il ne connaît pas, la description que fait le docteur Forgeot d’Arc du syndrome d’Asperger suscite un écho immanquable quand on voit Greta Thunberg en pleine action.

« Le caractère très direct de la communication, le rejet de formes plus manipulatrices ou sophistiquées de communication et puis la passion très forte pour un domaine, et la capacité à devenir expert à un âge tout à fait inhabituel et de façon tout à faite inhabituelle, ça semble être des particularités qui ont l’air d’être présentes chez cette personne et qui sont assez centrales dans l’autisme en général et dans le syndrome d’Asperger en particulier », a-t-il dit.

Expressions faciales et regard

Les gens atteints d’un syndrome d’Asperger n’utiliseront pas nécessairement les expressions faciales ou le regard pour communiquer ou pour passer des messages, ajoute le docteur Forgeot d’Arc.

Ils ont aussi comme particularité d’être très focalisés dans les choses qu’ils aiment et d’être très intenses sur des sujets précis.

Leurs relations avec leur entourage seront souvent différentes des relations considérées « normales ». Les adolescents atteints de cette forme d’autisme, par exemple, pourront avoir moins d’intérêt pour les groupes que les adolescents typiques.

« Effectivement, elle dit les choses, et elle dit les choses de front, et on n’a pas l’impression que c’est pour provoquer les gens, ou pour manipuler les gens, mais plutôt qu’elle dit les choses comme ça parce qu’elle les pense comme ça et qu’elle les comprend comme ça. Il y a un caractère très direct dans la communication et peut-être moins sophistiqué », a analysé le docteur Forgeot d’Arc.

Mme Thunberg semble donc avoir des caractéristiques qu’on va retrouver dans le syndrome d’Asperger et ces caractéristiques-là semblent jouer un rôle important dans la façon dont elle se présente : la ténacité sur un sujet et le fait d’oser être très direct sans forcément tenir compte des conventions et des attentes, poursuit-il.

« Dans le caractère très direct […] il y a aussi souvent un certain rejet, un certain dégoût pour le comportement manipulateur des autres, et dans le petit peu que j’ai entendu (d’elle), il y avait un peu ça : vous, les politiciens, vous nous dites et vous ne faites pas, alors que les données sont claires, a-t-il dit. C’est quelqu’un qui peut être assez radical dans son jugement sur la façon dont les autres ne sont pas directs dans leurs communications. »

Est-ce que Greta Thunberg ferait ce qu’elle fait sans le syndrome d’Asperger ? Est-ce que, sans ce « super-pouvoir », une jeune femme de 16 ans trouverait le courage et la confiance en elle nécessaires pour sermonner vertement les leaders de la planète ?

Impossible à dire, prévient le docteur Forgeot d’Arc.

« C’est quelqu’un qui manifestement a de grandes capacités à parler, à savoir porter un message — Asperger ou pas, ce n’est pas le cas de tout le monde. Dire ce qui relève du syndrome d’Asperger ou pas là-dedans, j’ai l’impression que ça relève plus de la boule de cristal que de l’expertise psychiatrique », a-t-il conclu.