Un parasite mesurant à peine plus d’un millimètre serait un des principaux responsables du déclin inquiétant des abeilles. Transporteur de virus et de bactéries, il pourrait permettre à une équipe de l’Université de Montréal de comprendre et combattre les infections qui tuent les abeilles.

Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), qui finance une partie du projet, estime à 30 % le pourcentage global de mortalité hivernale des colonies d’abeilles au Québec entre 2017 et 2018. Ce déclin est inquiétant puisque le tiers de la production agricole canadienne dépend de ces insectes pollinisateurs.

« Plusieurs facteurs affectent la survie des abeilles. Le parasite, appelé Varroa destructor, et les virus sont les plus importants selon moi, mais ce sont les moins étudiés actuellement », affirme Levon Abrahamyan, professeur de médecine vétérinaire à l’Université de Montréal et directeur du projet de recherche.

Lorsque les abeilles butinent, les minuscules parasites s’accrochent à leur corps. Elles rapportent ensuite ces parasites à la ruche. Les parasites peuvent se détacher de l’abeille pour se nourrir des larves. Ils peuvent aussi être transportés d’une ruche à l’autre par les travailleuses.

L’étude souhaite détecter tous les virus présents dans l’abeille afin d’en découvrir de nouveaux.

Aujourd’hui, on connaît environ 20 virus qui affectent les abeilles, mais je suis convaincu qu’il y en a plus que ça. Ces virus inconnus pourraient avoir un gros effet sur la survie des abeilles.

Levon Abrahamyan, professeur de médecine vétérinaire

L’équipe cherche aussi à déterminer quels virus sont transmis par le parasite à l’abeille. Pour ce faire, elle va étudier la présence des virus chez le parasite et comparer la diversité virale des ruches selon le niveau d’infestation par le parasite.

Pour reconnaître les virus, l’équipe utilise une technique de séquençage génétique. En écrasant l’abeille dans une petite fiole, on trouve du matériel génétique de l’abeille, mais aussi celui des bactéries et des virus qui étaient présents dans son organisme. Le même procédé s’applique pour le séquençage du parasite, qu’on écrase afin d’analyser le matériel génétique des virus qu’il transporte.

Les multiples effets du parasite

Plusieurs études suggèrent que le parasite sert d’incubateur pour les virus. Les cellules virales se répliquent en grand nombre en son sein et sont ensuite transmises à l’abeille. Les effets du virus sont alors plus importants. C’est le cas du virus des ailes déformées. 

« On peut le retrouver chez des abeilles qui n’ont aucun symptôme. Par contre, si le virus a été transmis à l’abeille par le parasite, la charge virale sera plus grande et l’abeille aura du mal à lutter contre le virus. Elle aura les ailes et l’abdomen déformés et ne pourra plus voler », explique Marie Marbaix, étudiante française en stage à l’Université de Montréal dans le cadre du programme Mitacs Globalink, qui collabore au projet. Le parasite transporte aussi des bactéries pouvant entraîner certaines maladies.

En plus d’être un vecteur d’infection, le parasite se nourrit du gras et de l’hémolymphe de l’abeille, l’équivalent du sang chez l’humain. L’abeille est affaiblie et son système immunitaire n’est plus aussi efficace. L’abeille devient alors plus vulnérable aux virus et aux bactéries. Le parasite varroa est particulièrement nocif l’hiver, alors que les abeilles ont fait des réserves pour leur hibernation.

Si le parasite est présent, il pigera dans les réserves de l’abeille qui n’en a pas suffisamment pour les deux.

Marie Marbaix, étudiante

Stratégies de contrôle

Des insecticides sont disponibles pour contrer les parasites, mais ces derniers commencent déjà à développer une résistance. Il n’y a pas encore d’antiviraux contre les virus des abeilles. « Ce manque de traitements est dû à notre faible connaissance de ces virus. Si nous connaissons la corrélation entre l’arrivée du parasite et l’infection par les virus, nous pouvons proposer de nouvelles solutions. Une stratégie potentielle pourrait être la mise au point de traitements antiviraux dans les ruches. Une autre possibilité, encore hypothétique, serait de trouver ou créer artificiellement un virus qui pourrait tuer le varroa », avance Levon Abrahamyan.

Entre-temps, les apiculteurs doivent surveiller l’état de leurs ruches. Pour savoir si elles sont infectées, ils installent un carton quadrillé avec une surface collante qui sert de piège à insectes. « On met le carton à la base de la ruche pendant quelques jours. Tous les débris de la ruche vont s’y accumuler, y compris les parasites. Avec le quadrillage et un calcul mathématique, on peut estimer le niveau d’infection de la ruche, explique Marie Marbaix. Le parasite est visible à l’œil nu, mais il faudrait regarder chaque abeille individuellement et ce n’est pas vraiment possible. »